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Février 2021

Dans cet article, le macroéconomiste, Alexandre NSHUE M. MOKIME, donne ses avis sur ce que pourrait être l’action publique en RDC sur la période 2021 – 2023. Ce sont des avis personnels nourris par des réflexions sur la situation récente du pays.

  • La survenue de la pandémie de la Covid-19, en pesant sur le fonctionnement de l’économie mondiale et le mode de vie des peuples, requiert plus d’ingéniosité et de discipline dans la conception et l’implémentation des politiques publiques.
  • Après avoir connu d’importants changements politico-institutionnels à fin 2020 – début 2021, la RDC a besoin d’un nouveau mode de gouvernance pour des progrès économico-financiers à même de soutenir le bien-être social.
  • Un gouvernement est attendu, mais si sa composition pose problème et que la conduite des politiques ne s’améliore pas substantiellement, les changements politiques enregistrés ne rencontreront pas les attentes du peuple congolais.

Regards sur les évolutions récentes

Situation politique.

Malgré les élections de 2018/19 et la mise en place de nouvelles institutions en 2019, la situation politique est restée fragile en 2020 suite au manque de cohésion dans l’alliance Cach – FCC. Les divergences de vues des acteurs ont limité l’efficacité de l’action publique. Les consultations organisées par le Président de la République ont donné lieu à un nouvel ordre politique, une nouvelle majorité parlementaire. Le gouvernement a quant à lui, été amené à la démission.

Gouvernance.

La RDC s’est classée 49ème sur 54 pays d’Afrique au plan de la gouvernance en 2020 (31,7 % de l’Indice Mo Ibrahim). Malgré l’existence d’un cadre institutionnel censé garantir la transparence dans la gestion publique, la RDC connait plusieurs problèmes de gouvernance (détournements, non-respect des procédures, …). De 2019 à 2020, elle est passée de la 168ème à la 170ème place sur 180 dans le classement sur la perception de la corruption de Transparency international.

Croissance économique.

Alors qu’avant la survenue de la Covid-19, le gouvernement projetait la croissance à 5,8 % pour 2020, celle-ci s’est établie à -1,7 % en fin d’année. Cette contreperformance qui de 2019 à 2020, a fait passer le PIB/tête de 309 à 294 USD (aux prix de 2005) s’explique aussi par la fragilité du contexte politico-institutionnel et sécuritaire du pays, lequel a aussi pesé sur la qualité de la gouvernance et la confiance des entreprises.

F1. Croissance, investissement et indice de confiance (baromètre)Il importe de noter que l’économie congolaise est une économie de rente à base productive peu diversifiée. Son potentiel de croissance est limité par son déficit infrastructurel et par les contraintes qui pèsent sur son secteur privé.

Finances publiques.

La gestion des finances publiques s’est clôturée pour l’année 2020 avec un taux de pression fiscale de 6,7 % (contre 10,3 % en 2019 et 13,9 % en 2014), une prédominance des dépenses de rémunération (59,43 % du total), une faible exécution des dépenses en capital (0,14 % du total) et un déficit de 997 milliards de CDF (498,5 millions USD) contre 564,8 milliards en 2019. En l’absence des appuis budgétaires du FMI et de la BAD, le déficit serait plus lourd.

L’effritement des recettes de l’Etat en 2020 a empêché au gouvernement d’investir suffisamment alors que le déficit infrastructurel pèse sur la mise en valeur du potentiel économique du pays. L’essentiel des recettes est absorbé par les salaires. Plusieurs engagements pris par le gouvernement sur le plan de l’éducation (gratuité) et de la santé (couverture sanitaire universelle) n’ont pas été tenus et un recul des indicateurs sociaux est à anticiper.

La crise multidimensionnelle actuelle exige plus d’interventions sociales de l’Etat pour en réduire l’incidence sur la population mais le resserrement de l’espace fiscal limite sa marge de manœuvre. Selon l’OIT (Organisation internationale du travail), la crise détruirait 30 % des emplois d’ici 2021 si la tendance n’est pas renversée et le PAM (Programme alimentaire mondial) annonce un renforcement de l’insécurité alimentaire et de la vulnérabilité humaine.

Dans le domaine de la santé publique, les allocations budgétaires n’atteignent pas 15 %et sont sous exécutées. Ce qui consacre la fragilité du système sanitaire national qui se trouve aux prises d’une faible dotation en équipements et médicaments. Avec la survenue de la Covid-19, la situation se complique davantage car la RDC connait déjà une forte prévalence des maladies tueuses comme le paludisme, le choléra, la rougeole et l’Ebola.

Position extérieure.

En 2020, la morosité de l’économie mondiale suite à la covid-19 a affecté le solde commercial congolais qui déjà de 2018 à 2019, avait baissé de 59,8 %. Il en est résulté une baisse des réserves internationales et une dépréciation du taux de change. Aux 5 premiers mois de 2020, les exportations ont baissé de 33,2 % comparé à leur niveau de 2019 et les importations de 34,6 %. Cette tendance s’est maintenue sur l’année et a pesé sur le taux de change qui, à fin 2020, s’est établi à 1971 CDF/USD.

Situation monétaire.

L’inflation en RDC procède depuis 2016 – 2017, d’une inadéquation entre le volume des moyens de paiement et les besoins réels de l’économie, entretenue par des chocs exogènes (recours de l’Etat aux avances de la Banque centrale). Du fait de la baisse du PIB réel dans un contexte d’accroissement de la demande intérieure, le taux d’inflation s’est situé à 20,5 % à fin 2020 contre 3,9 % à fin 2019, soit une augmentation de 16,6 points en une année.

Développement financier.

Le secteur financier a connu des progrès ces 20 dernières années. Le nombre d’institutions est passé de 39 en 2000 à plus de 200 en 2019. Structurellement, il est dominé par les banques (94 % du total actifs). À fin 2019, les dépôts dans les banques étaient de 4,71 milliards USD contre 3,1 milliards à fin 2018. Malgré la Covid-19 qui a affecté la confiance des acteurs, les dépôts ont été de 6,233 milliards USD à mi-juin 2020. Cependant, la contribution du secteur au PIB et à la croissance reste faible. Les crédits n’ont pas franchi la barre de 10 % du PIB.

Le système bancaire bénéficie de l’utilisation accrue de la monétique, notamment avec l’expansion des distributeurs, le Mobile Banking, et la télé-compensation des transactions en ligne. Malgré ça, le taux d’inclusion financière demeure faible (moins de 8 %). Plus de 60 %des crédits accordés ont un horizon temporel court dont plus de 40 % sous forme de découvert bancaire. Les crédits à long terme qui soutiennent la croissance n’atteignent pas 6 %. La plupart des crédits accordés sont libellés en monnaie étrangère (plus ou moins 95 %).

Bien-être social.

Les conditions de vie sont devenues très difficiles en 2020, en raison de la fragilité de la situation politico-sécuritaire, du ralentissement économique, des chocs macroéconomiques, surtout l’accroissement des prix des produits alimentaires de base, et des effets de la Covid-19. L’accès aux services sociaux est devenu encore plus difficile. Tout ceci présuppose une baisse de l’indice de développement humain en RDC. Celle-ci a occupé en 2019, la 179ème place sur 189 pays (contre la 176ème place en 2018).

Sur le marché de l’emploi, les opportunités d’embauche se sont resserrées, surtout pour les jeunes et les femmes. Mais au-delà des inégalités de genre et à la nécessité pour les entreprises d’éviter des coûts de formation, cette situation tient beaucoup à la frilosité du secteur privé qui dans un contexte d’incertitudes et de méfiance dues à la Covid-19, limite les engagements. Le secteur informel qui offre un complément de revenus aux ménages s’est aussi essoufflé.

Recommandations sur la taille et la composition du gouvernement

Taille.

Pour plus d’efficacité dans la conduite de l’action gouvernementale et une gestion plus conséquente des ressources financières limitées de l’Etat, la taille du gouvernement devrait être revue à la baisse: passage de 66 membres à un maximum de 30 membres. Ceci permettrait de mieux concentrer les portefeuilles d’activité, de bien fixer les modalités de leur collaboration et d’économiser plus de 10 millions USD par an.

Composition.

Il serait bien indiqué d’éviter d’avoir trop de postes protocolaires et de veiller à l’efficacité de l’équipe en définissant les ministères selon les besoins et les contraintes financières. Pour ma part, j’estime que le Premier ministre pourrait être secondé par deux Vice-premiers ministres (l’un dirigerait la commission économico-financière et sociale, l’autre la commission Défense, sécurité, diplomatie et justice). On pourrait se passer des ministres d’Etat aussi.

Proposition d’un gouvernement à 25 membres.

Premier ministre

Vice-premier, ministre du Plan, développement et population

  1. Ministre de l’Economie et des finances
  2. Ministre de l’Industrie minière
  3. Ministre de l’Industrie, PME et artisanat
  4. Ministre de l’Industrie touristique
  5. Ministre de l’Agriculture et sécurité alimentaire
  6. Ministre des Postes, télécommunications et économie numérique
  7. Ministre de l’Aménagement du territoire, habitat et infrastructure
  8. Ministre de l’Energie et ressources hydrauliques
  9. Ministre des Transports et voies de communication
  10. Ministre de l’Environnement et protection de la nature
  11. Ministre de l’Education nationale
  12. Ministre de la Recherche scientifique et technologies
  13. Ministre de la Santé publique
  14. Ministre des Enfants, genre et famille
  15. Ministre des Activités sportives, culturelles et artistiques
  16. Ministre de l’Emploi et protection sociale

Vice-premier, ministre de l’Intérieur, sécurité et sureté de l’Etat

  1. Ministre de la Fonction publique, portefeuille et réformes étatiques
  2. Ministre de la Défense nationale et des forces spéciales
  3. Ministre de la Communication, presse et médias
  4. Ministre des Affaires étrangères et coopération au développement
  5. Ministre de la Justice et protection des droits humains
  6. Ministre des Affaires foncières et développement territorial

Recommandations au plan de la planification stratégique

Actualiser le Plan national stratégique de développement (PNSD)

Le contexte mondial ayant changé avec la survenue de la Covid-19, le PNSD devrait faire l’objet d’une révision qui consisterait à adapter les axes et stratégies du développement du pays aux réalités actuelles. Aussi, il faudrait lui adjoint certains documents d’opérationnalisation pour s’assurer de l’efficacité de sa mise en œuvre.

Finaliser les plans provinciaux

Pour s’assurer de la cohérence et de l’efficacité des politiques publiques aussi bien au niveau central que provincial, il s’avère nécessaire de finaliser les plans de développement de toutes le provinces tout en les mettant en cohérence avec le PNSD. Un cadre de concertation politico-technique entre le pouvoir central et les provinces s’avère nécessaire.

Mettre en cohérence les plans provinciaux avec le PNSD

L’action publique relevant du niveau central et du niveau provincial, il serait important que les plans de développement provinciaux découlent du PNSD. Ce faisant, un exercice de mise en cohérence et d’arrimage devrait être envisagé.

Instituer le cadre de pilotage, financement et suivi-évaluation du PNSD

  • Nécessité de mettre en place un cadre de pilotage du PNSD au niveau central ainsi qu’un cadre de pilotage des plans provinciaux ;
  • Nécessité de mettre en place un cadre de collaboration/concertation entre le pouvoir central et les provinces au niveau sectoriel;
  • Nécessité d’avoir un plan et une stratégie de financement consolidés du PNSD et des plans provinciaux ainsi que des normes en matière d’exécution des financements;
  • Nécessité de mettre en place un cadre de suivi-évaluation du PNSD arrimé aux cadres de suivi-évaluation des plans provinciaux (avec des outils opérationnels de suivi).

Ceci montre qu’il est important pour le pays de faire avancer la décentralisation pour une meilleure mise en œuvre de la vision stratégique de développement et pour s’assurer de la marche vers l’atteinte des objectifs poursuivis.

La mise en œuvre du PNSD et des plans provinciaux contribuera à la mise en œuvre d’une gestion axée sur les résultats (GAR) et de moderniser les outils de management public (notamment dans le domaine des finances publiques) ainsi que de gestion du développement sur fond d’un ensemble de stratégies permettant de mettre en valeur le potentiel de progrès du pays de manière séquentielle.

Recommandations au plan économique et financier

Relancer la croissance économique et diversifier ses sources.

Le potentiel de croissance de l’économie devrait être libéré par des mesures visant à assainir en profondeur le climat des affaires et attirer de nouveaux investissements dans le pays. La stratégie devra procéder également de la modification des structures de l’économie, notamment à travers la mise en valeur des secteurs d’activité faiblement exploités ou jusque-là non mis en valeur mais pouvant faire office de nouveaux leviers de la croissance et garantir une position stratégique en Afrique (eau, électricité, agriculture,…). Aussi, il faudra penser à l’élargissement de la chaîne de création des valeurs pour réduire la vulnérabilité de l’économie.

Mesures de très court terme:

Améliorer la gouvernance et l’efficacité des structures créées en vue de l’assainissement du climat des affaires; – supprimer les taxes superflues et barrières à l’activité économique; – renforcer la protection des droits de propriété; -faciliter l’accès aux intrants; – mettre en place des mécanismes soutenables d’appui aux PME.

Mesures de court terme :

élaborer le programme national d’incubateurs (PNDI) et le programme de diversification économique (PDDE); – sensibiliser les investisseurs sur les opportunités d’affaires (en organisant des visites et des forums d’affaires); – créer de nouveaux mécanismes de partenariat économique en vue d’une meilleure mise en valeur du potentiel de croissance (un nouveau modèle d’industrialisation).

Mesures de moyen terme:

Modifier et rendre souple la structure de la fiscalité des entreprises; – exécuter le PNDI et le PDDE ; – modifier les composantes de la réglementation économique afin de la rendre souple et en faire un vecteur de progrès; -élaborer et exécuter un programme d’amélioration de la productivité de l’économie par des avancées technologiques.

Elargir l’espace fiscal national et améliorer la qualité de la dépense

Pour s’assurer de l’efficacité de l’action gouvernementale, il faut déployer des efforts pour élargir l’espace fiscal du pays qui est tombé à 6,7 % du PIB en 2020 alors qu’il était de plus ou moins 10 % en 2019. Des réformes courageuses sont donc à entreprendre pour une meilleure collecte des recettes publiques. Avec une reprise de l’activité économique, on devrait s’attendre à un accroissement des recettes internes. Grâce aux stratégies de diversification, au fil des années, l’espace budgétaire de l’Etat devrait s’élargir.

Des efforts sont aussi à déployer pour s’assurer de l’efficacité des dépenses publiques car l’action de l’Etat constitue un levier important pour le soutien à la croissance économique mais aussi un instrument pour la lutte contre la pauvreté et l’amélioration du bien-être social. Il y a nécessité de rationaliser les choix budgétaires et de veiller à une bonne exécution du budget de l’Etat pour des politiques publiques plus efficaces.

Mesures budgétaires:

Rendre plus transparent, plus participatif et plus réaliste le processus d’élaboration du budget de l’Etat (amélioration de la qualité des prévisions des recettes et des dépenses, rationalisation des choix budgétaires, mise en cohérence des différentes composantes du budget, …).

Mesures fiscales:

Rationaliser l’octroi des exonérations et évaluer les exonérations octroyées; sanctionner sévèrement tous les contentieux liés à la fraude fiscale ; contrer l’évasion fiscale par des réformes de textes; modifier et rendre souple la structure de la fiscalité des entreprises.

Mesures administratives:

Renforcer le contrôle et la surveillance aux lieux de perception des droits du Trésor; poursuivre et approfondir les réformes des régies financières; améliorer les rémunérations des agents commis à la collecte des recettes; punir sévèrement les détournements.

Mesures managériales et opérationnelles:

Mettre sur pied un cadre permanent de suivi de la collecte des recettes; instituer la chaîne de la recette publique, améliorer la chaîne de la dépense; développer des outils techniques souples et adaptés pour le suivi de l’exécution du budget de l’Etat.

Garantir à l’économie un volume adéquat de moyens de paiement

L’accélération de l’inflation et la dépréciation du taux de change résultent d’une inadéquation entre volume des moyens de paiement et besoins de l’économie et par la capacité limitée d’intervention de la Banque centrale. Ceci affecte sa crédibilité et celle de la politique monétaire.

Ainsi, il faudrait améliorer la gouvernance de la Banque centrale et accroître l’efficacité de son action pour préserver la stabilité des prix et assurer un bon financement de l’économie. La dédollarisation s’impose.

Des efforts sont à déployer pour ramener les réserves de change à 3 mois de couverture d’imports grâce à un meilleur encadrement du rapatriement des devises et de leur gestion par les banques privées. Avec la relance de la croissance, l’ambition sera ensuite d’atteindre 5 – 6 mois de couverture.

Surveiller le secteur financier et en faire un levier de croissance

Déjà ponctué par une faible collecte de l’épargne, un volume limité de crédits octroyés et d’importants coûts de transaction, le secteur financier congolais demande à être bien surveillé et connaître d’autres réformes pour devenir un levier de la croissance.

Mesures :

Régler le passif des institutions financières en crise; – poursuivre la réforme de la Banque centrale et faire d’elle le prêteur en dernier ressort (ramener progressivement les banques au guichet de refinancement afin de renforcer l’efficacité du taux directeur et mieux suivre le spread); – renforcer les mécanismes de suivi, contrôle et reporting des opérations financières; – sanctionner les cas de non-respect des dispositions légales; – améliorer le management des risques; – instituer un régime de faveur pour les opérations de moyen et long terme afin de modifier la structure du portefeuille des crédits octroyés; – promouvoir les innovations financières adaptées aux besoins de l’économie nationale.

Le programme de relance de la croissance et celui de développement des infrastructures du pays contribueront à l’élargissement de l’étendue des activités financières et partant, à l’accroissement du taux d’inclusion financière.

Recommandations au plan social et humain

Le repli de la croissance depuis 2015/16 dans un contexte d’instabilité politico-institutionnelle et sécuritaire a mis en mal la situation des finances publiques et la conduite des politiques sociales faute de moyens et cohérence intertemporelle de l’action alors que les conditions de vie se sont fortement détériorées ces dernières années et le pays a été secoué par plusieurs épidémies (Ebola, Choléra, …).

Le sous-financement des secteurs sociaux procède de la rationalité limitée des choix des budgétaires et de la faible crédibilité des budgets ; les allocations en leur faveur sont faibles et faiblement exécutées. La santé ne reçoit en moyenne que 3,06 % du budget et l’éducation 8,72 % alors que la population croît à 3,1 % par an. La protection sociale – en exécution – n’a jamais atteint 2 % du budget.

Les actions à mener par le gouvernement pour garantir un mieux-être à la population sont tributaires des performances affichées par l’économie (croissance, élargissement de l’espace budgétaire et stabilité des prix). Quelle que soit la bonne volonté des décideurs, si l’Etat ne dispose pas des moyens de son action, rien ne pourra être fait pour améliorer le bien-être social. D’où la nécessité de relancer la croissance, d’accroître le budget et d’assurer une meilleure allocation pour bonne prise en charge des secteurs sociaux.

Soutenir la création des emplois et des revenus stables

La RDC a toujours été confrontée à un sérieux problème de création d’emplois stables et bien rémunérés. Avec la survenue de la Covid-19, la situation s’est davantage détériorée. Dans le cadre de son action sociale, le gouvernement se devrait de:

  • Promouvoir la création de plusieurs entreprises, particulièrement celles à forte intensité de main-d’œuvre pour faire face au chômage, surtout celui des jeunes.
  • Investir dans le capital humain et la productivité du travail pour l’emploi d’aujourd’hui et de demain par l’amélioration de l’offre de formation et son adaptation aux besoins du marché.
  • Rationaliser la gouvernance du marché du travail, sécuriser les emplois, renforcer le système administratif et judiciaire de contrôle de l’application de la législation du travail.
  • Protéger la main-d’œuvre nationale, utiliser de manière optimale des ressources humaines existantes et mettre en place un système d’information sur le marché du travail.
  • Acquérir et améliorer les qualifications professionnelles à travers la promotion des actions de formation en adéquation avec les exigences du marché du travail.

Garantir progressivement un meilleur accès à l’éducation, à la santé et à la nutrition

  • Un programme de reconstruction et modernisation des infrastructures sociales s’avère nécessaire pour plus d’équité et un meilleur accès à l’éducation, à la santé et à la nutrition. Une amélioration de la gouvernance sectorielle et un renforcement des capacités sont à envisager.
  • Dans le secteur de l’éducation, il faudrait également rechercher une adéquation entre le système éducatif et l’emploi ; mettre en place un système de suivi et assurance qualité ; activer des réformes pour un système éducatif compétitif à l’échelle mondiale ; et accroître une offre publique de qualité.
  • Dans le secteur de la santé, il faudrait s’assurer d’un approvisionnement régulier en médicaments, vaccins et autres matériels d’inoculation; d’une amélioration des performances en matière de prévention; d’un renforcement du dispositif de santé communautaire; et de la promotion des mutuelles.
  • Dans le secteur de la nutrition, il faudrait lutter contre les carences en micronutriments; renforcer les prestations de routine dans les structures de santé et les communautés ; promouvoir les pratiques familiales de soins de santé et d’hygiène favorables à une nutrition saine; garantir la disponibilité et l’accès aux aliments diversifiés.

L’objectif de la gratuité de l’éducation de base – qui vise l’accroissement du taux d’accès –devrait être pris en charge de manière progressive pour en assurer la soutenabilité budgétaire.

Renforcer la protection sociale, réduire les inégalités et offrir plus d’opportunités d’épanouissement à tous

  • La RDC a franchi quelques pas décisifs en matière de protection sociale, notamment à travers la promulgation de certaines lois (Code de la protection de l’enfant, Loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant, code de la famille, …), mais beaucoup reste à faire dans le domaine.
  • Le programme national de protection sociale (PNPS) qui a été élaboré en 2016 représente une opportunité de renforcer les systèmes et instruments de protection sociale mais il reste à être financé et devrait faire l’objet d’une révision afin d’être en phase avec les problèmes socioéconomiques actuels.
  • Le statut juridique et la participation à la prise de décision de la femme ont positivement évolué. Cependant, les inégalités du genre persistent dans tous les domaines de la vie nationale. Et les violences sexuelles et celles basées sur le genre prévalent encore. La rigueur de la loi demande à être appliquée pour y faire face.

Recommandations relatives à la gouvernance

L’efficacité dans la gestion ou la gouvernance dépend de la vision et de la méthodologie de travail choisie ainsi que des outils mobilisés pour mener les actions. L’atteinte des résultats est conditionnée par la cohérence des actions, leur séquençage et les moyens consacrés à leur réalisation ainsi que l’engagement des acteurs.

  • L’opérationnalisation de la vision requiert une structuration des actions autour des acteurs suivant un séquençage bien pensé.
  • Le point de départ est la vision inscrite dans le PNSD et qui sous-tend la matrice de gouvernance du Président de la République.
  • A partir du PNSD et de la matrice de gouvernance, il sera élaboré le programme du gouvernement.
  • Sa mise en œuvre se fera à travers les lettres de missions que le Premier adresse aux ministres et qui seront exécutées via des feuilles de route.
  • Pour réussir l’exercice, il faudrait mobiliser des moyens conséquents et les décaisser de manière optimale.
  • Un système de suivi-évaluation rapproché s’avère nécessaire à différents niveaux pour s’assurer de l’efficacité de l’action gouvernementale.

Mise en œuvre du programme de gouvernement

  • Elaboration du budget de l’Etat en fonction du programme d’actions du gouvernement (à partir des hypothèses et scénarios réalistes);
  • Assignation des tâches aux ministres par lettres de missions du Premier ministre;
  • Elaboration du plan d’engagement budgétaire (PEB) en fonction des lettres de missions;
  • Déclinaison des lettres de missions en feuilles de route ou plans de travail budgétisés par ministère;
  • Elaboration et exécution du plan de trésorerie (PTR) en fonction des feuilles de route des ministères.

L’efficacité dans la mise en œuvre du programme dépendra de la manière dont les finances publiques seront gérées : budgétisation et mise à disposition des fonds.

Nécessité d’une réplique au niveau provincial

  • Le progrès dépendra de l’action du gouvernement central et de celle des gouvernements provinciaux. Ainsi, ce modèle de gestion publique devra être répliqué en province pour question d’efficacité d’ensemble.
  • Les provinces devront avoir des plans de développement, des programmes de gouvernement cohérents et de bons outils de gestion publique (y compris de gestion des finances publiques et de passation des marchés publics).
  • Un cadre permanent de discussion/concertation devrait être institué pour permettre au deux niveaux de décisions de travailler à l’unisson et garantir au pays de bons résultats.

En conclusion

L’efficacité dans la gouvernance et la gestion axée sur les résultats sont fonction de la vision, de la méthodologie de travail, des outils opérationnels choisis et utilisés, et des modalités de financement ainsi que de suivi-évaluation des activités.

Il est possible pour la RDC d’adopter cette approche de travail et d’afficher de bons résultats dans la durée. Tout est fonction des capacités des acteurs et de l’engagement des décideurs politiques à impulser le progrès.

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