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Depuis la promulgation de la constitution du 18 février 2006, la République démocratique du Congo a adopté la décentralisation comme mode de gestion des affaires publiques. Cette approche dit-on, comporte comme avantage de créer une proximité entre les gouvernants et les gouvernés. Quel est le contenu de la décentralisation dans l’ensemble et en particulier sur le plan des finances publiques ? Quels sont les acquis et les écueils dans la mise en œuvre de la nouvelle décentralisation ?  Quels sont les mécanismes à mettre en  place pour réussir la rétrocession.

Le processus de la décentralisation lancé en RDC depuis le nouvel ordre constitutionnel fait face à des nombreux défis dont le plus importants, reste celui des finances publiques.

« La fiscalité des entités territoriale décentralisées(ETD) est au cœur d’une surenchère ravivée notamment par la querelle de la libre administration des provinces et ETD, leur faible viabilité économique, l’absence de la démocratie à la base pour légitimer et contrôler les actions des dirigeants locaux ainsi que la tendance à la recentralisation. Il est donc souhaitable que la décentralisation soit envisagée en termes de gouvernance », a indiqué le professeur Kasongo Mungongo Emanuel. Avant d’ajouter que «la gouvernance fait intervenir un ensemble complexe d’acteurs et d’institutions qui n’appartiennent pas tous à la sphère du gouvernement ; elle traduit une interdépendance entre les pouvoirs et les institutions associées à l’action collective. La gouvernance fait intervenir des réseaux d’acteurs autonomes ». Sans oublier la présence de la société civile dans la vie publique, donc à tous les niveaux de l’Etat.

Pistes de solutions

Près de huit ans après le lancement du processus de décentralisation par le nouvel ordre constitutionnel, la présente reforme n’a pu, ni créer une nouvelle élite politique locale, ni renforcer la capacité des populations, ni en réaliser l’apprentissage démocratique. En dépit du discours et de la propagande sur le processus, les tentatives de la décentralisation en RDC ont permis à des groupes nationaux influents de s’approprier la plupart des avantages provenant d’initiatives décentralisées, redéploiement par ordonnance et décret de nomination des cadres des partis politiques dans les ETD en qualité d’Administrateurs.

C’est ce qui fait dire au Prof Kasongo Mungongo que la décentralisation serait alors devenue une manière de décentrer  la centralisation et constitue une bonne façon d’étouffer les initiatives locales par la présence des nouveaux. Acteurs locaux étrangers aux milieux locaux, sites du développement.

En rapport avec les dangers d’une décentralisation inachevée et d’un découpage territorial précipité, M. Modeste KAYOMBO Rachidi, chef des travaux et chargé des programmes à l’institut des stratégies pour le développement durable (ISDD) pense que la sortie de crise passe par l’ancrage de l’Etat au niveau local. La mise en place des collectivités décentralisées et des libertés administratives qui leur sont reconnues n’est qu’une première étape du long processus. Les reformes ne produiront les effets attendus que si elles sont inspirées par une vision politique qui s’articule sur une réelle volonté de changement. Malheureusement la décentralisation de la gestion publique dans le but de créer des conditions d’une gouvernance locale légitime n’est bâtie que pour s’accaparer des financements sans une volonté réelle de changement profond des anciennes logiques de gestion publique devenues inefficaces parce que non légitimes.

Parmi les stratégies qui vont conduire au véritable changement dans le domaine de la gestion des affaires publique locale on peut citer entre autres la construction d’un consensus comme fondement de la gestion ; organisation des compétences, des pouvoirs et l’affectation des ressources (humaines et financières) publiques en se fondement sur la primauté de la légitimité locale. Tout comme la recherche d’une bonne articulation entre diverses légitimités qui cohabitent au niveau local ; l’ancrage des constructions institutionnelles (lois et règlements) dans les aspirations, les références et le vécu des populations

St/40% de rétrocession: pomme de discorde

La part des recettes à caractère nationale allouées aux ETD est établie à 40%. Elle est retenue à la source. C’est ce que stipule  la Constitution du 18 février 2006 en son article 175 alinéa 2. Cette disposition est devenue, selon plusieurs analystes, la pomme de discorde entre gouvernement central et les différents gouvernements provinciaux.

« Même s’ils sont consacrés par la Constitution, les 40 % ne semblent pas être un droit pour les provinces. C’est peut être pour cette raison que la retenue à la source n’a pas été possible selon certains analystes. Par contre un autre groupe les considère comme une expression de la solidarité nationale » selon certains analystes. Par contre un autre groupe les considère comme une expression de la solidarité nationale.

Pour résoudre l’épineux problème de rétrocession, la disposition constitutionnelle précitée (art. 175 al.2) devrait être complétée par un texte réglementaire précisant les modalités de partage de cette « manne financière ». Le législateur congolais qui a traité cette question avec légèreté est appelé à fixer les choses une fois pour toutes. Car, jusqu’à ce jour le montant de la rétrocession pour chaque province ne dépend plus de sa seule capacité de mobilisation des recettes à caractère national mais aussi l’étendu de la province (critère géographique) ou encore de la combinaison de deux critères.

Comme on le voit, devant cet impératif juridique, les provinces se sont pliées à l’attentisme développé par le gouvernement  central en matière de la rétrocession. C’est une forme de blocage institutionnel qui a freiné, d’après les déclarations des acteurs publics provinciaux et locaux, la réalisation des investissements en faveur de la population.

Pour sa part, le professeur Evariste Mabi Mulumba estime à travers son ouvrage sur la bonne gouvernance des ETD  que les reformes à entreprendre devraient se traduire en termes d’impératifs liés à un apport supplémentaire en matière d’efficacité à insuffler au système de mobilisation des ressources au système de mobilisation des ressources plus qu’avant au profit aussi bien du pouvoir central que des provinces.

Pour ce Sénateur et ancien Président de la Cour des Comptes, ce « brouillage » des relations financières a tout d’abord affecté les conditions dans lesquelles s’est effectué le transfert des compétences entre les trois échelons de base (Etat, Provinces, ETD) où il se dégage que si l’Etat conserve la conception, les provinces se chargent de la mise en œuvre.

En définitive, la compensation financière des compétences transférées devait se faire par la rétrocession/ retenue des 40 % des recettes à caractère national, la proclamation de la nouvelle nomenclature des recettes, la dotation en équipements, la Caisse national de péréquation et des subsides finances du Gouvernement central.

En dépit des obstacles qui jonchent encore le processus en cours de décentralisation, l’implication de tous les acteurs s’’avèrent indispensable, une volonté politique réelle suivi des moyens de mise en œuvre pour réussir le pari.

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