En Afrique, chaque cycle électoral engendre des tensions socio-politiques qui débouchent souvent sur des conflits post-électoraux, au point qu’on pourrait se demander à quoi servent les élections sur ce continent.
Les tensions suscitées jusqu’au déferlement de violence dans le pays avant, pendant et après chaque cycle électoral en Afrique fait réfléchir plus d’un observateur sur la nécessité d’organiser les élections, dès lors que l’aboutissement n’est que l’accroissement des divisions au sein des populations avec un bilan macabre.
Expression d’opinions individuelle et collective
Cependant, depuis les indépendances à l’aube des années 1960, la plupart des pays du continent ont adopté ce mode d’accession au pour et d’alternance démocratique, quand bien même que le coup d’Etat a eu la peau dure dans certains pays.
Néanmoins, nous conviendrons avec le professeur congolais Mulumbati Nkasha, qui affirmait déjà en 1977 qu’ « à la faveur du développement de la démocratie pluraliste, l’élection s’est aujourd’hui imposée dans le monde de façon irréversible, comme l’expression d’opinions individuelle et collective; comme mode de désignation des dirigeants ou des gouvernants par les dirigés ou les gouvernés ; comme modalité de changement politique ; comme mode de légitimation des gouvernants et du pouvoir qu’ils exercent ; comme mode aristocratique d’accès au pouvoir politique ; comme source de puissance et comme forme de participation politique ».
Il est certes vrai que les élections constituent une avancée démocratique majeure. Elles altèrent significativement le sentiment d’injustice des masses contre une élite supposée corrompue une fois aux affaires. Elles consolident l’idée d’une alternance prochaine qui restitue de façon cyclique le pouvoir décisionnel à chacun.
En dépit du fait que les élections africaines soient moins satisfaisantes sur les critères d’exclusivité, de transparence, etc., par rapport aux vieilles démocraties, aucun pays africain ne pourrait subsister sans s’imposer même « à l’africaine », l’organisation cyclique des élections. Les élections organisées sont un impératif social dont l’Afrique ne peut plus se passer. Et dans nombre de pays politiquement instables et où les tensions sociales sont alimentées par le manque de légitimité des gouvernants, des commissions électorales indépendantes (CEI) ou encore commissions électorale nationales indépendantes (CENI) sont mises en place, avec un statut d’institution d’appui à la démocratie, pour en garantir, dans la mesure du possible, une certaine indépendance, voire une liberté dans l’organisation des scrutins.
Elections pour conférer la légitimité et la légalité
En effet, un système de gouvernance n’est dit démocratique que dans la mesure où, seules, les élections confèrent la légitimité et la légalité des animateurs institutionnels qui exercent le pouvoir ou la fonction ou le mandat au nom de leurs électeurs.
De manière générale, l’élection est une délégation de souveraineté. Elle constitue, au sein d’une société organisée, une « soupape de sécurité ». En effet, la possibilité pour les citoyens de pouvoir régulièrement exprimer une alternance ou de donner un nouveau mandat au pouvoir sortant, évite que les désaccords politiques majeurs ne trouvent un autre terrain d’expression (la rue) et d’autres modalités (la violence), comme c’est souvent le cas dans plusieurs pays africains. Ainsi, à l’approche des échéances déterminantes pour la plupart de pays africains en général, beaucoup sont les citoyens qui s’interrogent encore sur l’utilité des élections, la nécessité d’aller voter, se demandant « à quoi servent les élections dont les résultats sont connus d’avance ? »
Voter sert-il vraiment a quelque chose ?
A cette question qui taraude l’esprit de plus d’un africain à l’approche d’un nouveau cycle électoral, la réponse est sans ambages : Oui, absolument, le vote est indispensable car, sans un vote préalable, les gouvernants ne sauraient bénéficier de la moindre légitimité indispensable pour fédérer les populations qu’ils devront gouverner. Leur pouvoir serait à tout moment soumis à une contestation.
Mais, pourtant on pourrait aussi se demander pourquoi voter si les résultats sont toujours contestés ?
Toute contestation procède de la liberté d’expression reconnu à tout individu par la déclaration universelle des droits de l’homme. Elle est un des acquis de la démocratie. Du reste, on peut affirmer que la contestation des résultats des élections est légitime et même légale. Elle n’est pas l’apanage des pays africains, les pays d’Amérique du sud, de l’ex-URSS, en sont habitués, et les Etat Unis d’Amérique, avec notamment les dernières élections présidentielles de 2020 en donnent une illustration éloquente.
Contester dans la légalité et s’incliner à la fin du processus
La question, c’est de tout ramener dans un cadre légal, chacun devant s’incliner lorsque les procédures sont closes. Quand bien même l’on pourrait aussi se demander si l’homme politique africain est vraiment disposé à reconnaitre l’issue d’un scrutin ou devrait-on penser à un autre modèle de désignation des animateurs des institutions en phase avec les aspirations du plus grand nombre ?
Là encore, la réponse est oui, mais à condition de s’entourer de précautions préalables dans l’organisation des élections. En effet, l’influence de l’appartenance ethno-tribale ou régionale n’est pas à négliger dans bien des cas. Beaucoup de partis politiques dans certains pays ne sont pas fondé sur la base d’une idéologie, mais bien plus sur base de coteries et d’affinités ethno-tribales.
On peut cependant remarquer avec soulagement que les dernières élections organisées dans plusieurs pays n’ont pas engendré de troubles majeurs, ni n’effusion de sang (Côte d’Ivoire, République démocratique du Congo, Congo Brazzaville, Tchad, Cameroun…), quand bien même que dans le contexte actuel où le monde fait face à la pandémie du COVID 19 et son lot de conséquences sur les économies, l’Afrique pourrait avoir difficile à organiser des élections en respectant le standard d’organisation ou certains critères.
Pourtant, elle se doit pour sa stabilité d’organiser au moment opportun ces élections. L’organisation des élections dans un contexte comme celui-ci, sont un test pour valider ou non la crédibilité de plusieurs dirigeants en Afrique.