A l’instar des vieilles démocraties, la libre expression de l’ambition politique en Afrique a fait place au phénomène et fait social des partis politiques, avec à la clef le besoin de conquérir et d’exercer le pouvoir d’Etat le plus longtemps possible, tel est d’ailleurs le credo de tout parti politique dans le monde. Pourtant, en Afrique, nous redoutons déjà dans cette démarche légitime des partis politiques la dévitalisation d’une notion fondamentale, celle de la responsabilité du pouvoir ou de la conscience sous-jacente du pouvoir. Car, voyez-vous, le pouvoir pour le pouvoir est une entrave même à l’idéal qui devrait être le fil conducteur de chaque ambition, puis chaque action politique, et cela à tous les niveaux de responsabilité.
En dépit de l’ouverture de l’espace politique pour tous, naviguant à contre-courant de la pensée unique longtemps décriée en Afrique postcoloniale, les aspirations des populations, pourtant cernées par tous les acteurs politiques de la première heure jusqu’à aujourd’hui, n’ont jamais pu être moulées en un programme commun de gouvernance cohérent à travers par exemple, une coalition politique durable ou un parti politique intégrateur. C’est cela, la fragilité de l’esprit des partis dans nos pays.
Au sens de notre réflexion à brûle-pourpoint, la cause de cette fragilité à la fois psychologique et institutionnelle est due à une méconnaissance flagrante des acteurs sociopolitiques de l’idéal noble qui surplombe toute action ou toute ambition politique car, « science sans conscience n’est que ruine de l’âme » (Rabelais, 1533).
En Afrique centrale, plus particulièrement en République Démocratique du Congo (RDC), seul le Mouvement Populaire pour la Révolution (MPR) du Maréchal MOBUTU a su, sous la corde sensible de l’identité nationale zaïroise, fédérer les premières années de son existence, les aspirations profondes et plurielles de ses populations autour d’une vision et d’une gouvernance commune, à travers un parti unique qui deviendra plus tard inique, nous le concédons volontiers.
Depuis la consécration et l’effectivité du pluralisme politique en RDC, il est dénombré à ce jour, plus de 400 partis politiques. Malgré ce nombre impressionnant, sinon pléthorique à l’échelle nationale, la maturité politique des populations tarde toujours à se concrétiser lorsque la qualité des débats est scrutée, ainsi que les motivations de vote des uns et des autres.
Le jeu électoral étant compulsivement ouvert à tous, a fait place à une génération spontanée en politique qui n’a pas d’autre reflexe que de suivre sans conviction mais avec contrainte sociale, matérielle ou financière, soit de s’opposer radicalement à toute dialectique constructive qui, justement, fait le jeu démocratique.
Depuis 2006, l’année où les premières élections générales ont été organisées après le règne dictatorial de MOBOTU et de son tombeur Laurent-Désiré KABILA, les alliances politiques se font et se défont pour des raisons autres que celles visant à apporter des solutions salutaires aux populations qui se muent dans un attentisme messianique, alternant avec un puissant sentiment de ras-le-bol généralisé propice à l’intégrisme et tout autre « isme » discriminatoire.
La question qui vaille la peine d’être posée est celle de savoir : « quel est le crédit à accorder au pluralisme politique en Afrique et son incidence sur les véritables aspirations au bien-être de ses populations ? »
D’entrée de jeu, aucun crédit ne peut être accordé au pluralisme politique, c’est une grande idée qui ne trouve pas encore son contenu à l’instar de la démocratique que chaque pouvoir aimerait décréter à son arrivée aux affaires. Nous pensons, avec beaucoup d’optimisme, que les solutions au mieux-être des Congolais, en l’occurrence, sont ailleurs que dans les salons huppés du débat politique stérile, agrémenté par des partis politiques de plus en plus individualisés et sectaires, à l’effigie de leurs mentors autoproclamés et auto-investis sans débat ni contradicteur.
Toutefois, nous ne sommes nullement surpris de voir une majorité parlementaire devenir à mi-mandat une minorité en voie de disparition, car les mêmes causes produisent les mêmes effets, que dire… rien n’est séparé de rien !
Tel un prince moyenâgeux, celui qui a l’effectivité du pouvoir en Afrique est à même de réécrire l’histoire politique de son pays à travers une ordonnance, une loi, et cætera. Mais, même dans ce cas de figure, l’incidence positive sur ce que l’on peut appeler « le panier de la ménagère » n’est pas forcément au rendez-vous, puisque le problème est ailleurs. Voilà, l’essence même de notre réflexion, parfois idéaliste, mais pas du tout rêveuse.