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L’Afrique subit une effroyable saignée chaque année à cause de la fuite des cerveaux. Cette forme de migration acceptée coûte au continent environ 4 milliards de dollars américains par an pour payer les experts étrangers qui offrent leurs compétences pour soulager l’hémorragie des cerveaux africains.

Il suffit pour s’en convaincre, comme le FMI, de prendre en exemple le départ de docteurs et infirmières du Malawi et du Zimbabwe qui pèse sur le plan purement économique, mais aussi social de ces pays.

Et ils ne sont pas les seuls. Le professeur congolais Bernard Lututala Mumpasi, démographe et ancien recteur de l’Université de Kinshasa, fait remarquer aussi que « l’Angola a perdu 70% de ses médecins qui sont partis au Portugal. Le Congo-Brazzaville a perdu 43% de ses médecins… Lorsque les pays du Sud arrivent à former leurs médecins et que ces médecins ne peuvent pas travailler dans de bonnes conditions, ils partent. Les gens préfèrent aller prester ailleurs. Pour se valoriser un peu davantage ». Se confiant au magazine Géopolis, il pointe les conditions de travail exécrables dans la plupart des pays africains : salaires modiques, manque de matériels, mais aussi une ambiance qui ne permet aucun épanouissement professionnel.

« Vous pouvez avoir un bon salaire dans votre pays, mais si un professeur ne peut pas parler, ne peut pas faire de critiques sur ce qui se passe dans son pays et que chaque fois qu’il ose s’exprimer sur quelque chose il est poursuivi, à ce moment-là évidemment, il n’a pas envie d’exercer dans un tel contexte. »

Au lendemain des années indépendances (1960), la plupart des pays africains ont envoyé dans les capitales occidentales leurs jeunes acquérir des connaissances pour prendre la relève des fonctionnaires européens qui regagnaient les anciennes métropoles coloniales. La plupart des jeunes cadres ainsi formés regagnaient leurs pays d’origine et trouvaient généralement un emploi satisfaisant.

Mais au fil du temps, la situation économique de nombre de pays a commencé à décliner, les emplois se sont faits plus rares et des étudiants boursiers des gouvernements africains ont commencé à y réfléchir à deux reprises avant de reprendre le chemin du retour vers la mère patrie. Et ceux qui avaient opté pour le comeback, ne trouvant plus les conditions de vie auxquelles ils étaient habitués en Occident, ont commencé à reprendre le chemin de l’exil, encouragés en cela par les crises politiques récurrentes.

La fuite des cerveaux des africains a ainsi vu le jour et ne semble pas vouloir s’arrêter. Aujourd’hui, l’instauration par les gouvernements américain et canadien d’une forme officielle d’immigration acceptée à travers le Programme DV Lottery encourage davantage les africains à quitter leurs pays en quête de l’eldorado. Chaque année, il est question pour les seuls USA d’attirer au moins 60 000 immigrants.

En effet, la loi américaine sur l’immigration de 1990 a établi le programme de Visa de Diversité (DV), grâce auquel 55 000 visas d’immigrants seraient disponibles annuellement par la loterie, à partir de l’année fiscale 1995. Le programme de DV vise à diversifier la population qui immigre aux États-Unis, par la sélection des candidats provenant principalement des pays ayant eu un faible taux d’immigration aux États-Unis au cours des cinq années précédentes.

Pour l’année 2021, parmi les 15 pays qui ont bénéficié de ce programme, il y a huit pays africains qui à eux seuls ont totalisé 37 892 candidats. Il s’agit de :

  1. L’Egypte………………6002
  2. L’Algérie……………… 6001
  3. Le Soudan……………. 6001
  4. La RDC…………………. 4503
  5. Le Maroc……………….4458
  6. L’Ethiopie…………….. 3957
  7. Le Cameroun………… 3686
  8. Le Ghana………………. 3284

A côté de ces candidats sélectionnés, il faut ajouter les accompagnants. D’autre part, Le Canada aussi organise son immigration choisie. Ces africains candidats à l’exil sont souvent qualifiés, ayant un cursus académique satisfaisant, un passé professionnel et représentent un potentiel pour le marché de l’emploi pour les pays d’accueil. Naturellement, il faut ajouter à ces derniers les étudiants et les candidats au regroupement familial.

Quelles sont les perspectives pour juguler la fuite des cerveaux africains ?

Il serait hasardeux de prétendre mettre fin à l’exode des peuples et à la fuite des cerveaux africains. Néanmoins, on peut progressivement refreiner le mouvement. Les préalables pour ce faire sont entre autres la formation, la stabilisation des économies africaines, la stabilisation politique, la réforme des systèmes de santé et la création des emplois stables et bien rémunérés, ainsi que l’amélioration du cadre de vie.

Concernant la formation, il faut que les pays africains cessent de former des chômeurs. En effet, AfricSearch, un cabinet international de recrutement bien implanté en Afrique a constaté que dans la plupart des pays africains désertés par leurs personnels qualifiés, le système éducatif est incapable de préparer la relève. Le système éducatif africain continue de former les Africains à l’économie d’hier. C’est un paradoxe qu’on continue de former massivement dans les universités des sociologues, des philosophes, des juristes… alors qu’il n’y a pas assez d’opportunités pour ces compétences.

Il faut absolument reformer le système éducatif pour l’adapter aux besoins réels des pays et mettre en place des programmes incitatifs au retour des diasporas africaines, qui regorgent de talents dans les domaines les plus variés. A l’heure actuelle, quelques pays comme le Botswana, le Maroc, le Rwanda, le Ghana et le Cap Vert ont mis en place d’ambitieux plans de développement susceptibles d’attirer leurs cerveaux installés à travers le monde.

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