Le président Alpha Condé a été renversé par une Unité spéciale de la Garde présidentielle, dirigée par le colonel Mamady Doumbouya, un ancien de la Légion étrangère française. Le président Condé a été capturé et est détenu par les putschistes.
Le colonel Mamady Doumbouya, commandant des forces spéciales de l’armée guinéenne, qui mène visiblement l’insurrection, a livré dimanche après-midi un message à la radio-télévision nationale la RTG. Entouré d’hommes en armes, un drapeau guinéen sur les épaules, il a annoncé la création d’un Comité national pour le redressement et le développement, CNRD et a promis un dialogue inclusif pour écrire une nouvelle constitution.
Comme pour se justifier, les putschistes disent répondre à l’appel de la population et vouloir restaurer la démocratie, ils ont annoncé, également à la télévision nationale, la dissolution de la Constitution et du gouvernement dans ce qui s’apparente à un putsch.
Silence radio du côté gouvernemental
En effet, tôt ce dimanche matin, des tirs nourris ont retenti dans la presqu’île de Kaloum aux abords du palais présidentiel. Et pendant que les forces spéciales affirment tenir la capitale Conakry et revendiquent l’arrestation du président Alpha Condé, le silence radio est toujours assourdissant du côté des autorités guinéennes. En début d’après-midi, le ministère de la Défense a publié un communiqué pour affirmer que la situation était sous contrôle, mais depuis il n’y a eu aucune réaction.
Sur le continent, la première réaction d’un chef d’État africain à la suite de ces évènements en Guinée est venue du président burundais Évariste Ndayishimiye qui « condamne le coup d’État en République de Guinée ». Le président Ndayishimiye lance aussi un appel au calme.
De son côté, Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations Unies, affirme suivre personnellement la situation dans le pays. Il « condamne toute prise de pouvoir par les armes et appelle à la libération immédiate du président Alpha Condé ».
Mais un peu plus tard, l’Union africaine a publié un communiqué sur la situation en Guinée signé par le président en exercice de l’UA, le chef de l’État congolais, Félix Tshisekedi, et le président de Commission Moussa Faki Mahamat. Les deux dirigeants condamnent toute prise de pouvoir par la force et demandent la libération immédiate d’Alpha Condé. Ils invitent aussi le Conseil de paix et de sécurité de se réunir en urgence pour examiner la situation et prendre des mesures appropriées.
Dérive totalitaire
Pour rappel, le président Alpha Condé qui avait été élu démocratiquement à la tête de la Guinée après des années d’opposition passées notamment e France, avait fini par s’aliéner la confiance du peuple, qui l’accusait de mauvaise gouvernance et d’atteinte à la démocratie. Ses opposants étaient systématiquement embastillés, et empêchés de quitter la guinée. Il avait modifié la constitution et entendait concourir pour un troisième mandat présidentiel.
Ce coup d’état applaudi par la population replonge ce pays d’Afrique de l’Ouest dans un cycle de coup d’Etat qui s’enchaine depuis son accession à l’indépendance en 1958.
Le mandat de trop ?
Alpha Condé a-t-il fait un mandat de trop ? Un analyste de la vie politique de la Guinée estime qu’il s’agit là d’un échec du système politique sensé réguler tous les problèmes politiques, faire de la médiation, car la Guinée était en crise politique profonde. Il y a eu des tentatives de médiation de la Société civile, de la CEDEAO, de l’Union africaine, mais qui n’ont pas marché parce que Alpha Condé et l’opposition sont restés sur leurs positions.
La leçon à tirer ici c’est que quand le processus politique ne marche pas, l’armée intervient. Mais le paradoxe ici est que le point culminant de la crise politique avait été dépassé, il n’y avait plus de combats, plus d’affrontements, on disait que les manifestations s’essoufflaient et c’est à ce moment qu’intervient le coup d’Etat. Tandis qu’au moment où la crise était à son paroxysme, l’armée était du côté d’Alpha Condé.
Cependant, ce dimanche, l’armée intervient au moment où il y a accalmie. On comprend que c’est la conséquence des dissensions internes au sein de cette armées. Du reste, celui qui mène les putschistes, le colonel Mamady Doumbouya était en disgrâce auprès du président Condé il y a quelques semaines, et il était même question de l’arrêter. On se souviendra qu’il avait été appelé par Alpha Condé en 2018 pour former cette unité d’élite, alors qu’avant, il n’y en avait pas en Guinée Conakry.
Aujourd’hui en Afrique, les coups d’Etat sont toujours menés par les gardes présidentielles, sortes de gardes prétoriennes, qui sont les unités les mieux équipées, les mieux formées et qui jouissent de la confiance des chefs qui les créent, mais elles sont aussi très politisées, comme cela a été le cas récemment au Tchad avec le fils Déby, au Mali et au Burkina Faso.
Effets collatéraux immédiats
Le coup d’État en Guinée a aussi des répercussions sur le terrain sportif. En effet, alors qu’un match de foot entre les équipes de la Guinée et du Maroc était prévu ce 6 septembre à Conakry, cette rencontre comptant pour les qualifications de la Coupe du monde 2022 a été repoussée par la Fédération internationale (FIFA) et la Confédération africaine (CAF). « La situation politique et sécuritaire actuelle en Guinée est très volatile et est étroitement surveillée par la FIFA et la CAF, indique un communiqué commun. Afin d’assurer la sécurité et la sûreté des joueurs et de protéger tous les officiels du match entre la Guinée et le Maroc, prévu le 6 septembre à Conakry, la FIFA et la CAF ont décidé de reporter ce match ».