En République Démocratique du Congo, créer son parti politique et s’en faire nommer Président, c’est se trouver un métier à vie. Mais surtout, un métier qui paie bien son détenteur.
Il suffit pour ce faire, d’en maîtriser tous les artifices. D’abord, savoir élaborer des statuts et un Règlement intérieur taillés sur mesure, qui font du créateur à la fois co-fondateur, autorité morale et Président, avec possibilité de mandats renouvelables à vie.
La seconde étape consiste, dans la mesure du possible, à payer de sa poche les premiers frais liés à l’enregistrement du parti auprès des instances nationales habilitées, pour enlever d’office toute velléité de contestation de paternité à tous les autres co-fondateurs et autres membres du comité directeur. Les plus habiles des Président-fondateurs poussent la prudence jusqu’à placer épouse, enfants ou proches parents dans le comité de direction.
Quand arrive le moment des élections, c’est le Président qui impose les alliances politiques dans lesquelles devra évoluer le parti, moyennant les avantages financiers qui peuvent en découler, mais surtout, en tenant compte des potentialités du regroupement à remporter les différents scrutins.
Bien évidemment, c’est toujours le Président qui, dans la mesure de ses possibilités, paie les cautions des candidats du parti aux différents scrutins, et souvent, une bonne partie des frais de campagne, pour s’assurer la paternité du mandat en cas de victoire du candidat.
Et si par bonheur il arrive que le parti remporte des sièges au terme des élections législatives ou provinciales, c’est au Président que revient le privilège de négocier des postes au Gouvernement national ou provincial. Et c’est aussi au Président que revient en premier le privilège d’occuper le poste le plus important octroyé au parti.
Il va de soi que tous les élus sont soumis à une cotisation mensuelle obligatoire de 10% au minimum de leurs indemnités en faveur du parti, ce qui par ailleurs, ne les libère pas des cotisations ponctuelles à l’occasion de certaines manifestations de leur parti. Une manne régulière gérée par un ou une trésorière du parti, sous l’œil vigilant et à la discrétion du Président.
Pour le cas où le Président est nommé à un poste de responsabilité nationale incompatible avec son statut, un congrès exprès est organisé, et un Président intérimaire prend sa place, souvent un parent ou un fidèle du Président, pour garder le poste au chaud, le temps que le Président légitime exécute son mandat ministériel et reprenne tout bonnement sa place.
Pendant cet intermède, le Président-fondateur se pare évidemment de sa toge d’autorité morale du parti, avec le dernier mot sur toutes les décisions affectant le fonctionnement normal du parti. Quand il arrive qu’un cadre du parti conteste une décision de l’autorité morale, il est souvent prié d’aller lire les statuts et le règlement intérieur du parti. Et s’il persiste dans son aveuglement et son manque de respect vis-à-vis de la sagesse de l’autorité morale, il est tout simplement prié d’aller créer sa propre formation politique.
Quel que soit le nombre d’élus du parti, et donc son importance politique, tout poste de responsabilité lui attribué est d’office pris par le Président. S’il en reste encore de disponible, ils sont attribués à d’autres cadres, au prorata de leur fidélité et de leur loyauté à l’autorité morale.
En République Démocratique du Congo, l’histoire récente renseigne que les tentatives des partis à présidence tournante résistent rarement à l’érosion du temps. Tout parti politique a un et un unique chef : son Président-fondateur-autorité morale-guide éclairé, et souvent, bailleur de fonds unique. Ceux qui pensent autrement s’exposent souvent à une auto-éjection dans la douleur et l’opprobre populaire.
Pour éviter les abus constés à ce jour dans la gestion des partis politiques, il faudra que le fisc s’invite dans le contrôle de la gestion financière des partis politiques. Que la loi sur les ASBL soit respectée par les partis politiques et leurs membres. Que les partis politiques bénéficient des subventions prévues par la constitution et cessent d’être des biens privés de leurs présidents-fondateurs.
Le renouvellement des mentalités au sein des partis politiques est un must pour l’avènement de la « real » démocratie .