Lorsqu’en décembre 2019, la Covid-19 fait son apparition à Wuhan en Chine, l’opinion est loin d’en mesurer la gravité. Mais telle une pieuvre, le virus en forme de couronne a étendu ses tentacules aux quatre coins de la planète, aidé en cela par les effets de la mondialisation. Très vite, lorsque l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) proclame la pandémie, on s’attend à une véritable hécatombe en Afrique.
Six mois après les premiers cas en Chine, les rapports disponibles renseignent que le 23 juin 2020, l’Afrique a enregistré 315 410 cas de Covid-19. Cependant, l’Afrique subsaharienne reste relativement peu touchée par la pandémie, en comparaison de l’Europe, l’Amérique du Nord et du Sud, mais aussi d’autres pays du continent, tels que l’Afrique du Sud qui comptabilise 32 % des cas.
Sur le continent, les taux de décès apparaissent beaucoup plus faibles en comparaison de l’Europe ou de l’Amérique, en dépit des faibles moyens disponibles.
Plusieurs tentatives de justifications sont alors émises, comme le rôle du climat chaud, la faible densité dans les villes et les campagnes, les effets indirects des traitements de masse antérieurs, le faible déplacement inter-localités, la jeunesse de la population, ou encore une grande réactivité de certains pays.
Mais, de manière générale, les systèmes de santé des pays africains ont manqué de réactivité et de proactivité, comme bien d’autres pays du monde. Il a fallu l’apparition des premiers cas pour commencer à mobiliser les ressources humaines, matérielles, informationnelles et financières nécessaires.
Ainsi, dès les premiers signes, la gestion de la Covid-19 a nécessité une collecte continue des connaissances relatives aux paramètres de l’épidémie : le R0 (taux de reproduction de base du virus), la durée d’incubation, l’intervalle intergénérationnel (temps entre le moment où une personne infectée rencontre une personne indemne (naïve) et le moment où celle-ci va développer la maladie), le taux d’attaque (nombre de personnes nouvellement infectées par rapport à l’ensemble de la population naïve), le pourcentage de formes graves nécessitant l’hospitalisation et sa durée, le taux de mortalité.
Pendant cet apprentissage, les pays ont collectivement ou individuellement développé des mesures de santé publique pour lutter contre la Covid-19, bien qu’elles soient intervenues avec retard.
Pour ce faire, la plupart des pays africains ont dû faire la déclaration de l’urgence nationale, la production de plans d’urgence et de directives, la mise en place des comités de gestion (sub et supranationaux), la protection individuelle par les masques et le lavage des mains, la distanciation physique, les formes de limitation des déplacements entre les régions, la quarantaine, la fermeture des frontières, l’isolement et la prise en charge des cas suspects dans des unités de soins spécifiques, la recherche de traitements antiviraux efficaces et, à plus long terme, d’un vaccin, la fermeture des espaces publics, des marchés et des écoles, le soutien financier et alimentaire apporté par des ONG et par les États aux populations les plus affectées économiquement par la Covid-19, le recours au télétravail.
Très rapidement aussi, certains pays se sont lancés dans la recherche des thérapies contre la Covid-19, tels le Madagascar avec le Covid Organics, produit à grands coups de publicité, avec le chef de l’Etat Malgache en pole position. Ce médicament dont on ne connait cependant pas encore bien l’efficacité, puisque non encore homologué par l’OMS, a vu son succès des premiers jours pâlir comme neige au soleil, tourné en dérision par les médias occidentaux et la communauté scientifique internationale.
La République Démocratique du Congo a aussi donné sa contribution grâce à deux centres de recherche, qui ont mis au point le Manacovid qui donne des résultats plus que satisfaisants sur le marché local, en dépit de son coût hors de portée du Congolais lambda, et Doubase C, moins connu. Le Manacovid, produit au Centre de recherches pharmaceutiques de Luozi, dans la province du Kongo Central, est l’oeuvre du pharmacien Etienne Flaubert Batangu Mpesa, (décédé le 5 mars 2021 d’un cancer) qui avait reçu son autorisation de mise sur le marché depuis le 24 novembre 2020. Ce traitement est du reste intégré par le Comité multisectoriel de riposte au Covid-19 pour soigner les malades congolais.
Sur le continent, en dehors du protocole constitué de Hydroxy-chloroquine et Azithromycine et adopté par un grand nombre de pays, la pharmacopée traditionnelle propose une vaste gamme de traitements à base de plantes, dont l’Artemisia, qui intervient dans le traitement du paludisme.
Pour autant, les systèmes africains de santé publique ont-ils tiré leçon de la pandémie du Coronavirus ?
La réponse ne tardera certainement pas à être connue, mais pour l’instant, bien que le taux de décès sur le continent reste faible et même en déclin dans la plupart des Etats, les systèmes de santé des pays d’Afrique subsaharienne demeurent caractérisés par une capacité d’adaptation très faible face aux épidémies, à cause des maigres ressources dont ils disposent. Celles-ci sont le plus souvent planifiées et mises à disposition par les institutions financières internationales. Plus encore, l’intégration régionale ou sous-régionale dans le domaine de la santé est encore peu développée.
Les enseignements de la COVID-19 en Afrique Subsaharienne
On peut néanmoins affirmer que la survenue de la Covid-19 crée des opportunités pour accélérer la marche vers le développement des systèmes de santé en Afrique et le renforcement de la fonction de veille sanitaire, déjà entrepris dans le prolongement des réformes de ces 10 dernières années.
Avec près de 1,4 millions de cas confirmés de Covid-19 et plus de 32 000 décès enregistrés en Afrique à la mi-septembre, la pandémie a considérablement mis à rude épreuve des systèmes de santé déjà surchargés dans toute la région, affectant encore davantage la prestation d’autres services de santé essentiels, tels que la vaccination et les services de santé sexuelle et reproductive.
Depuis que le premier cas de la Covid-19 a été confirmé sur le continent en février 2020, la réponse de l’Afrique, sous l’égide des Centres africains de contrôle et de prévention des maladies (Africa CDC), a été remarquable, de l’avis de certains experts africains. En effet, la majorité des gouvernements ont rapidement mis en place des mesures de santé publique pour enrayer sa propagation.
Cependant, il en faut davantage pour garantir que l’Afrique profite de l’urgence du moment pour mettre en place des systèmes plus résistants et plus équitables, équipés pour résister aux menaces futures et protéger les populations, en particulier les plus vulnérables et les plus marginalisées.
La réponse concertée de l’Afrique a réuni des travailleurs de la santé de première ligne, des décideurs politiques, des responsables de systèmes de santé et la société civile de tout le continent, afin de partager les expériences, les perspectives et les meilleures pratiques. Une des questions qui se posent est de savoir comment l’Afrique peut saisir cette occasion pour réinventer le système de santé et mieux le construire.
Voici cinq possibilités de rapide succès : (i) les communautés doivent s’approprier et co-créer des solutions ; (ii) renforcer la qualité et l’utilisation des données inclusives pour orienter les décisions ; (iii) investir plus et plus intelligemment ; (iv) mettre en place des systèmes de soins de santé primaires solides et gérer les ressources humaines dans le secteur de la santé ; (v) renforcer les chaînes d’approvisionnement et harmoniser les systèmes réglementaires.