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Les clés pour comprendre le contexte financier mondial

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Seul l’entrepreneur Congolais déterminé avec un bon projet et un bon potentiel peut accéder aux capitaux d’origines diverses (États-Unis d’Amérique, Europe, Asie, etc.) qui circulent à la recherche des meilleures opportunités d’investissement. En effet, avec la mondialisation et la globalisation, les règles de financement tendent à se standardiser. Pour être compétitif, l’entrepreneur Congolais doit bénéficier d’une expertise avérée pour ses idées d’affaires émergentes (emerging business ideas), surtout que l’accès au financement du secteur privé est très limité.

Une correspondance électronique provenant de leetchi.com a annoncé une collecte de fonds destinée à scolariser cent enfants en République démocratique du Congo. La présidente de l’association Busanga qui a organisé ce « crowfunding », Charlotte Kalala, a baptisé cette campagne « take a child to school ». La jeune fille vit entre l’Europe et Kinshasa. Aussi cette initiative montre-t-elle combien les nouvelles technologies contribuent à faire du monde un grand village et à intégrer les jeunes Congolais dans la compétition avec 3,5 milliards d’autres jeunes à travers le monde.

En dépit des progrès notables de la RDC dans les secteurs aussi variés que les banques et les télécommunications, les jeunes Congolais doivent faire face à de nombreuses contraintes. En effet, cette compétition mondiale est disproportionnée, car les jeunes entrepreneurs des pays développés et émergents ont l’avantage de profiter des structures développées, avec des plateformes qui facilitent l’accès à des financements. Il y a une capacité réelle d’accéder aux riches institutions bancaires, aux entreprises de capital risque (venture Capital) et même aux donateurs privés (Angel Investors), sans oublier les milliardaires devenus les plus grands philanthropes dans le monde. Globalement, le constat est la facilité d’accès aux capitaux des jeunes des pays développés, contrairement à leurs confrères des pays en voie de développement comme la RDC.

L’économiste péruvien, Hernando de Soto, est l’auteur d’un livre intitulé « Le mystère du capital : Pourquoi le capitalisme triomphe en Occident et échoue partout ailleurs ». Dans sa réflexion, Hernando de Soto explique que toute parcelle de terrain, toute construction, toute machine ou tout stock est représenté par un titre de propriété qui est le signe visible d’un vaste processus caché reliant tous ces biens au reste de l’économie. Grâce à ce processus de représentation, les biens peuvent mener une vie invisible, parallèlement à leur existence matérielle. Ils peuvent servir à garantir des crédits. En effet, les prêts garantis par une hypothèque sur les logements des entrepreneurs représentent la source de financement la plus importante pour les nouvelles entreprises aux États-Unis d’Amérique. Ces biens fournissent aussi un lien avec l’historique de crédit de leurs propriétaires, une adresse pour le recouvrement des créances et des impôts, une base pour la mise en place de services publics fiables, un support pour la création de valeurs mobilières, notamment les obligations représentatives d’emprunts hypothécaires susceptibles d’être ensuite cédées et revendues sur des marchés secondaires. Grâce à ce processus, l’Occident confère une vie propre aux biens et leur permet de générer du capital.

Pour certains entrepreneurs de la RDC qui possèdent quelque chose, il leur manque un processus qui servirait à représenter et à créer du capital. Ils ont des maisons mais pas de titres, des récoltes mais pas de bail, des entreprises mais pas d’inscription au registre du commerce. Ces entrepreneurs Congolais ne parviennent pas à produire assez de capital pour faire avancer leurs projets à cause de l’absence de ces représentations essentielles. Et ce n’est pas fini. Dans son livre « Le capital au XXIème siècle », Thomas Pikety explique que les inégalités s’empirent. Les riches deviennent de plus en plus riches, tandis que les revenus des classes moyennes baissent. L’inaction du gouvernement Congolais face aux problèmes de financement des projets des jeunes entrepreneurs va faire sombrer le pays dans le chaos, conduisant des millions de jeunes dans le chômage, avec tous les risques économiques et sécuritaires.

De l’argent au Congo

Les capitaux circulent en RDC. C’est une réalité. D’ailleurs les Kinois Congolais le disent : « Mon Cher, Il y a l’argent au Congo ! ». Mais le plus souvent, les personnes qui détiennent ces capitaux – en liquide et en biens matériels ou encore en banque dans les paradis fiscaux – exercent une fonction politique. Une situation assez compliquée. Ces « nouveaux riches » ne déclarent pas leurs richesses pour une raison ou une autre. Les « Philanthropes inactives » favorisent plutôt l’assistance sociale récurrente visant à répondre aux besoins à court terme (donner le poisson) au lieu d’investir sur le long terme dans les idées d’affaires émergentes des jeunes entrepreneurs congolais (apprendre à pêcher). Il n’y a aucun « incubateur d’innovation » pour les jeunes entrepreneurs congolais dans un pays qui représente cinq fois la taille de la France. Cette absence d’investissement à long terme dans les infrastructures de base contribue à l’exode de la matière grise.

Dénicher un investisseur providentiel

Dans tout pays, les investisseurs providentiels sont continuellement à la recherche d’une bonne idée. En échange d’un financement, l’entrepreneur est parfois contraint de céder une importante part de l’entreprise. En fonction du besoin exprimé par l’entrepreneur, un ou deux investisseur (s) peuvent constituer une solution idéale. Mais comment trouver ces hommes et femmes providentiels ? Un bon début serait sans doute d’évaluer les opportunités locales au niveau du ministère de l’Industrie, petites et moyennes entreprises, notamment la possibilité d’avoir accès à des petits centres de développement des entreprises qui relient les entrepreneurs aux investisseurs. La solution alternative pourrait être de puiser dans le carnet d’adresse les personnes capables d’écouter les idées pour contribuer ensuite à leur financement. On appelle cela le « Angel’s Round ». Souvent, ces investisseurs ne cherchent pas le bénéfice mais sont plutôt passionnés par l’idée. Le plus grand défi en RDC est d’arriver justement à transformer les « Philanthropes inactives » en « Angel Investors ».

Le Crowdfunding

La mondialisation n’amène pas que des inconvénients. À en croire Charlotte Kalala, le village global comporte bien des avantages pour les jeunes venant des pays en développement. D’où son choix de créer une plateforme en ligne et d’intituler sa campagne en anglais, soutenue par un réseau d’amis venu de partout dans le monde. Sa maîtrise du « Social Media » démontre que ces jeunes de la Génération Y gagnent du temps en adoptant les bonnes pratiques internationales et les innovations responsables, durables, performantes, et très souvent à moindre coût. C’est ce qu’on appelle le « leapfrogging ». Cette génération Y regroupe les personnes nées approximativement entre les années 1980 et 1990.

“Un bon entrepreneur doit apprendre à célébrer l’échec au même titre que la victoire.”

Si les capitaux se trouvent en occident, les jeunes entrepreneurs congolais peuvent choisir les nouvelles technologies pour accéder à ces financements mais aussi aux entreprises de capital risque, aux philanthropes multimilliardaires et même aux citoyens normaux à travers le croudfunding. Les outils comme « Leetchi » et bien d’autres plus connus (Indiegogo, KickStarter, Crowdfunder, etc.) ont permis en 2013 de lever plus de 5,3 milliards de dollars américain, soit 17% du Produit Intérieur Brut (PIB) de la RDC. En Chine, ce montant est revu à la hausse, atteignant 50 milliards de dollars en 2015. Pour autant, la plateforme de « croudfunding » en elle-même ne suffit pas. Il faut en plus un bon projet, des bonnes idées et un « business plan ».

Une bonne idée au bon moment et au bon endroit

Pour les entrepreneurs ayant des idées spéciales, les subventions adaptées peuvent provenir des propriétaires d’entreprises spécifiques qui se chargent de faire avancer ces idées. Si vous êtes étudiant en chimie à l’Université de Kinshasa, et que vous avez une solution spéciale intéressante pour les industries alimentaires, une entreprise alimentaire peut être intéressée à investir dans cette idée. Mais cette idée doit être spéciale pour susciter effectivement un intérêt. Ensuite, le porteur de l’idée doit être capable de la défendre en moins de 10 minutes auprès des décideurs de l’entreprise alimentaire.

Participer à un concours

Chaque année, il se tient à travers le monde des centaines de concours sur les sujets variés qui participent à encourager l’innovation en offrant des récompenses financières. Les entrepreneurs congolais ne doivent pas hésiter à y participer pour gagner des prix et bénéficier d’un coup de pouce pour le démarrage de leurs entreprises. En Afrique, le prix Anzisha accorde un financement atteignant jusqu’à 75 000 dollars américains US aux jeunes entrepreneurs qui ont réussi à développer des solutions innovantes face aux défis sociaux ou à lancer des entreprises prospères au sein de leurs communautés. Le concours du Groupe de la BID en Afrique subsaharienne aide les candidats à élaborer et affiner des plans d’affaires pour lancer leurs « start-ups ». Il existe d’autres concours comme le « Development Innovation Venture » de l’USAID, l’ « African Innovation Prize » ou l’ « Innovation Prize for Africa » qui inondent Internet. Même si les programmes se ressemblent, il faut tenir compte d’une particularité intéressante et même cruciale. Les intitulés des programmes sont souvent en anglais. Donc, en plus d’un bon projet, de bonnes idées et d’un bon business plan, un bilingue a deux fois plus d’horizon. Il a davantage de chance d’être retenu pour participer et gagner un concours que le monolingue.

Dis « Merci » à une réponse négative

Une réponse négative est toujours difficile à accepter. Et il est certain que le « non » reviendra plus souvent que le « oui » tout au long du processus de collecte de fonds. Tout le risque est de ne pas céder à la tentation d’invectiver un investisseur qui rejette votre demande. En fait, vous avez beaucoup plus à gagner en étant gracieux. Un bon entrepreneur doit apprendre à célébrer l’échec au même titre que la victoire. L’échec comporte une dimension pédagogique. Il nous encourage à améliorer le projet ou le produit jusqu’à parvenir à convaincre un autre investisseur.