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Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, libres !

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L’ancien président ivoirien, Laurent Gbagbo, et son compagnon d’infortune, Charles Blé Goudé, sont désormais libres. Définitivement acquittés par la Cour Pénale Internationale (CPI). Et c’est bien la première fois qu’une juridiction pénale condamne et acquitte en fin de compte un ancien chef d’Etat d’un pays indépendant.

En effet, mercredi 31 mars 2021, les juges de la Chambre d’appel de la Cour Pénale Internationale ont confirmé, à la majorité, la décision d’acquittement du 15 janvier 2019 dans l’affaire « Le Procureur contre Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé ».

Loin de bouder son acquittement, c’est avec les deux pouces en l’air, en signe de joie et de victoire, que Laurent Gbagbo a accueilli l’énoncé du jugement de la chambre d’appel de la CPI.

A l’extérieur, sur le parvis de la CPI, à l’annonce de la décision, les partisans, quelques dizaines, malgré la Covid-19, venus soutenir Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, ont laissé exploser leur joie.

Sentiment partagé par les défenseurs de deux hommes : « Dix ans, presque jour pour jour, après les événements que vous connaissez, le président Gbagbo triomphe », a réagi au micro de la radio française RFI, Emmanuel Altit, l’avocat principal de l’ancien chef d’État ivoirien. « C’est la victoire de la justice. C’est aussi la victoire d’un homme, injustement accusé, et dont l’innocence a été pleinement reconnue. La Cour a dit le droit, elle a décidé que la procédure initiée par le procureur était terminée, faute de combattants en quelque sorte. Chacun retourne chez soi. Théoriquement, [Laurent Gbagbo, Ndlr] peut rentrer chez lui. »

Mais l’ancien président va-t-il le faire ? « Je ne peux pas parler à sa place », répond son conseil. « Mais il n’y a strictement aucune raison qui l’empêche de revenir en Côte d’Ivoire. »

De son côté, l’ex-chef de Jeunes Patriotes, Charles Blé Goudé, tout aussi heureux, s’est brièvement exprimé à sa sortie de la CPI, avant de rejoindre ses partisans. « Je suis acquitté, définitivement. Et je remercie toutes les personnes en Côte d’Ivoire et en Afrique pour leur soutien », a-t-il déclaré à RFI. « En ce qui concerne mon retour, je vais en parler à ma famille et à mes avocats, et dans les jours qui viennent, je pourrai répondre. Mais la chambre d’appel a été claire, les conditions pour nos déplacements sont levées, et on est heureux de l’entendre. Ça a été long, très long, mais c’est la vie. Nous avons dû traverser cette épreuve en hommes. Oui nous venons de loin mais on y est arrivé. »

Il faut relever que malgré son souhait de rentrer prochainement en Côte d’Ivoire, Charles Blé Goudé n’a toujours pas de passeport. Cette question devra être abordée avec ses avocats et les autorités ivoiriennes, les mêmes qui l’ont expédié en cellule à La Haye il y a dix ans.

Flash-back

On se souviendra que le procès dans cette affaire s’était ouvert le 28 janvier 2016. Le site de la Cour pénale internationale renseigne que le 15 janvier 2019, la Chambre de première instance I, à la majorité, avait acquitté M. Laurent Gbagbo et M. Charles Blé Goudé de toutes les charges de crimes contre l’humanité prétendument perpétrés en Côte d’Ivoire en 2010 et 2011.

Trois ans plus tard, le 16 juillet 2019, les annales de la cour rapportent que la Chambre de première instance I avait déposé les motifs complets de l’acquittement de MM. Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé.

Mais contre toute attente, le 16 septembre 2019, le Procureur soumettra un appel contre l’acquittement dans cette affaire, conduisant en réaction la Chambre à examiner chaque moyen d’appel ainsi que les soumissions des parties et participants sur ces questions juridiques.

Le Greffe de la CPI informe par ailleurs que 22 au 24 juin 2020, la Chambre d’appel de la Cour tiendra des audiences pour entendre les observations des parties et des participants sur l’appel du Procureur. Pendant ce temps, les deux hommes seront toujours dans leurs cellules à La Haye.

Mais, cette fois, durant plus d’une heure et demie, dans son arrêt du 31 mars 2021, la décision de la CPI est formelle et définitive : « la Chambre d’appel a rejeté, à la majorité, les deux moyens d’appel du Procureur, à savoir que la décision de la Chambre de première instance d’acquitter MM. Gbagbo et Blé Goudé (i) avait enfreint les exigences statutaires et (ii) a été prise sans articuler correctement et appliquer systématiquement une norme d’administration de la preuve clairement définie et son approche pour évaluer le caractère suffisant de la preuve.

La Chambre d’appel a conclu, entre autres, que, si les chambres de première instance devraient idéalement rendre le verdict et les motifs de façon simultanée, un délai entre le prononcé d’un verdict et ses motifs ne peut pas nécessairement invalider un procès dans son ensemble. Au contraire, une telle séparation peut être clairement justifiée dans les circonstances particulières d’une affaire ; le plus évident à cet égard est lorsque la liberté d’un accusé acquitté est en jeu.

La Chambre d’appel a également rejeté l’argument selon lequel les deux juges de la Chambre de première instance formant la majorité n’avaient pas articulé et appliqué de manière cohérente la norme d’administration de la preuve. La Chambre d’appel a noté à cet égard que les deux juges avaient estimé que les éléments de preuve contre les deux accusés étaient exceptionnellement faibles ».

L’acquittement de Gbabo et Blé Goudé est perçu comme un autre revers pour la procureure Fatou Bensouda qui part en retraite dans un peu plus d’un mois, tandis que se désolent aussi les organisations de défense des droits de l’homme, comme Human Rights Watch qui prend acte de la décision de ce jour. Jim Wormington, chercheur spécialiste de l’Afrique pour cet organisme de défense des droits de l’homme, dépité, a lâché devant la presse : « Il a été acquitté, mais je ne crois pas que ça change ce qui s’est passé en 2010-2011 ».

Pour rappel, durant la crise post-électorale en Côte d’Ivoire, des crimes ont été commis, occasionnant la mort de trois mille personnes, des violences sexuelles, des personnes brûlées vives dans la rue. Les camps Gbagbo et Ouattara opposés à l’époque, sont responsables.

En attendant, l’acquittement de MM. Gbagbo et Blé Goudé est désormais définitif. La cour assure que « la Chambre d’appel a révoqué toutes les conditions sur la mise en liberté de MM. Gbagbo et Blé Goudé, et chargé le Greffier de la CPI de prendre les dispositions nécessaires pour le transfert en toute sécurité de MM. Gbagbo et Blé Goudé vers un ou plusieurs États d’accueil ».

Ce verdict définitif vient ainsi de clore cette affaire, qui a creusé un fossé dans la communauté ivoirienne et laisse béantes les plaies des divisions politiques dans un des pays les plus prospères de l’Afrique de l’Ouest.

Mais la question de la justice pour une justice équitable pour le citoyen africain demeure : Qui indemnisera ces milliers de victimes ?