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Coopération entre l’occident et l’Afrique – L’occident a-t-il intérêt à voir l’Afrique se développer ?

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Cette question est aussi vieille que les rapports entre les deux mondes. Car il s’agit bien de deux mondes : une Afrique pauvre, pourtant dotée de toutes les richesses qui pourraient lui assurer richesse, puissance et indépendance, à côté de l’Occident riche, puissant et cependant toujours dépendant des matières premières du « nouveau monde ».

Mais, qu’en est-il au XXIème siècle, de la coopération entre l’Afrique et l’Occident ?

Après les indépendances (1960), plusieurs Accords et Conventions ont été mis en place pour régir les termes de la coopération entre l’Europe occidentale et l’Afrique.

En effet, la coopération avec l’Europe, remonte aux Conventions de Yaoundé au début des année 1960, à l’aube des indépendances africains. Mais, celle-ci n’a pas permis à l’Afrique de connaître le développement et de maîtriser son destin, afin de participer pleinement en tant que partenaire égal à la gestion des affaires du monde.

Lorsque le 20 juillet 1962, était signé dans la capitale du Cameroun le document qui porte le nom de « Convention de Yaoundé », il était question d’organiser, pour une période de cinq ans, les relations entre la Communauté économique européenne et les Etats africains et malgache associés (EAMA). Ce document sera réaménagé en 1969 pour s’organiser autour de deux axes principaux :

L’aménagement des rapports commerciaux grâce à la suppression progressive des droits de douane et des pratiques restrictives. Les Six ont consenti à supprimer les droits frappant les produits des EAMA, parallèlement à leur propre libération des échanges, les droits subsistant en général pour les autres pays sous-développés. En sens inverse, les dix-huit Etats associés se sont engagés à ouvrir leurs marchés progressivement et compte tenu des impératifs de leur développement ; ils devaient en outre assurer à chacun de leurs partenaires européens une position égale sur le marché national.

La collaboration Europe–Afrique se réalisait d’autre part par l’entremise du Fonds européen de développement (FED). Celui-ci assurait en effet le financement de diverses opérations grâce à une contribution totale des Six de 730 millions de dollars, complétée par des prêts de la Banque européenne de développement. Le FED pouvait ainsi soit financer des projets d’aménagement présentés par les gouvernements africains (infrastructures, investissements sociaux, culturels, etc.), soit accorder des aides pour la production agricole (amélioration des structures, adaptation des prix à la concurrence internationale) ou la diversification des cultures (afin de lutter contre l’excessive spécialisation des pays africains dans le domaine des productions agricoles exportables), soit, enfin, participer à des opérations de coopération technique.)

Force est de constater qu’après plus d’un demi-siècle de coopération avec l’Europe, l’Afrique offre toujours l’image d’un continent qui fait du surplace dans sa quête vers le progrès et le développement. Et pourtant l’Afrique a toujours d’énormes besoins d’argent pour financer ses multitudes projets d’infrastructure, et réussir son intégration économique et politique.

Coopération : l’Afrique fait du sur-place

Cependant elle chemine avec l’Europe qui est extrêmement riche, mais n’est jamais parvenue (n’a jamais voulu ?) à l’aider à sortir de la pauvreté. Et pour cause, l’Europe a mis en place une pléthore d’instruments financiers (bilatéraux et communautaires) destinés à l’Afrique. Et chacun de ces instruments est doté d’enveloppes substantielles. Mais paradoxalement, l’accès à ces fonds est extrêmement difficile. Cette contrainte en termes d’accès aux Fonds européens est expliquée, côté européen, par la faible capacité d’absorption des pays africains et, côté africain, par la complexité des procédures d’accès et de justification de l’utilisation des fonds. Conséquence, les Fonds européens de développement (FED) se succèdent sans que les enveloppes y afférentes soient totalement consommées.

Mais, pour corser la difficulté pour les africains à accéder à cette « aide » financière, l’Europe, à travers ses multiples instruments financiers, a scindé l’Afrique en trois zones géographiques :

L’Afrique du Nord, qui bénéficie de la MEDA (Mediterranean Economic Developement Area), remplacé depuis 2007 par l’ENPI (European Neighbourhood and Partnership Instrument) ;

L’Afrique au Sud du Sahara (exception faite de l’Afrique du Sud), qui bénéficie des instruments financiers issus des Accords de Cotonou ; et

L’Afrique du Sud, qui bénéficie de l’ACDC (Accord sur le commerce, le développement et la coopération), aux côtés de l’Asie et de l’Amérique latine.

À côté de ce charcutage géographique, s’ajoutent les APE, dont la mise en œuvre porte un énorme préjudice aux efforts régionaux d’intégration dans la zone géographique couverte par un autre obstacle, les Accords de Cotonou entre l’Union européenne et les États d’Afrique, Caraïbes et Pacifique, signé le 23 juin 2000 dans la capitale économique du Bénin, après l’expiration de la convention de Lomé.

L’accord de Cotonou est très ambitieux. En effet il vise à réduire et, à terme, éradiquer la pauvreté et contribuer à l’intégration progressive des pays ACP dans l’économie mondiale.

Au fil du temps, on se rend compte que le continent africain continue à faire du sur-place, et peut-être pire, fait du recul, subi une effroyable fuite des cerveaux, tandis qu’une large partie de sa jeunesse décider d’affronter les pires risques pour rejoindre l’Europe, lorsqu’elle n’est pas happée par la Lottery Visa américaine. En fin de compte, ces nombreux instruments financiers (peut-être) mal compris par les partenaires africains ne répondent pas tout à fait aux déficits en ressources de l’Afrique. Et l’Occident ne s’en émeut pas, capitaliste qu’il est, il exige plus qu’il ne donne, en fonction de ses intérêts vitaux. Son souci majeur n’est vraisemblablement pas le développement de l’Afrique, mais la possibilité de tirer le maximum de sa position de force pour continuer à exploiter les ressources du continent noir.

Les amours chinoises

La nature a horreur du vide. L’insatisfaction des africains les pousse ainsi tout doucement vers l’Empire du milieu. C’est la naissance d’une nouvelle relation avec un nouveau partenaire qui propose un paradigme plus compréhensible pour les pays africains, la Chine.

Le paradigme chinois

Cette idylle qui tend à s’inscrire dans la durée se consolide grâce à des éléments autour desquels elle se structure, notamment une aide non assujettie à des conditions, avec tout de même une contrepartie non négligeable, l’exploitant les ressources minières naguère jugées non rentables par les Occidentaux ; l’apport des solutions au sous-développement des infrastructures physiques ; un soutien politique dans des instances où l’Afrique n’a pas droit de cité, etc.

Ces contreparties ne sont souvent d’ailleurs pas toujours bénéfiques pour les africains : on a vu la République démocratique du Congo négocier un genre de troc où contre 15 milliards de dollars, elle devait céder l’exploitation de ses richesses minières (Cuivre, cobalt, diamants, etc.), faisant pâlir de jalousie l’Occident, qui a tôt fait de dénoncer le deal. Ailleurs, des chemins de fer, des routes, des aéroports, des bâtiments, voire des cités entières sont sortis de terre grâce au grand ami chinois, qui a gagné au passage l’exploitation de gisements de pétrole, de bois précieux et autres minerais.

Aujourd’hui, la Chine apparaît donc comme le « Grand Ami » de l’Afrique, à l’inverse de l’Occident qui impose des programmes assortis de conditionnalités, surtout en matière de respect des droits de l’homme.

Cet amour entre l’Afrique et la Chine aurait, de l’avis de certains experts, amené l’Union européenne à revisiter sa coopération avec le continent africain. Ce regain d’intérêt s’est traduit par l’avènement de la « Stratégie pour le Développement de l’Afrique », entièrement conçue par l’Union européenne et proposée à l’Afrique. Cette stratégie a été transformée en Stratégie conjointe Afrique Europe, adoptée à Lisbonne en décembre 2007, qui se manifeste-t-il à travers la multiplication des initiatives européennes dans des secteurs variés, particulièrement dans les domaines de la prévention des conflits et du maintien de la paix (du genre opération Barkhane).

La croisée des chemins

Ainsi, l’Afrique est à la croisée des chemins entre deux types de coopération qui procèdent de deux logiques diamétralement opposées. L’approche occidentale suggère que la bonne gouvernance, la primauté du droit et le respect des droits de l’homme précèdent et conditionnent le développement économique et social. En d’autres termes, l’adoption de ces vertus constitue un passage obligé pour le développement économique de l’Afrique.

L’approche chinoise, quant à elle, soutient que seul le développement peut conduire à la stabilité économique et sociale, à la bonne gouvernance, à la primauté du droit et au respect des droits de l’homme.

Mais dans les faits, ce dont l’Afrique a besoin c’est de créer véritablement une croissance économique forte et durable, assurer son développement, mettre fin à la pauvreté et la misère, procurer de l’emploi à ses nombreuses populations. Et lorsque l’Afrique aura réalisé tous ces objectifs, la paix, la bonne gouvernance, les droits de l’homme, etc. s’imposeront d’eux-mêmes.

Et l’Union africaine ?

Les leaders africains ont un rôle majeur à jouer pour doter le continent d’une stratégie efficiente qui lui permette de coopérer aussi bien avec l’Europe que la Chine, sans aucunement perdre son identité, sa dignité et son indépendance. « Un pays n’a pas d’amis, il n’a que des intérêts », disait un Chef d’État historique d’Europe.

La Commission de l’Union africaine, qui a en charge la mise en œuvre de l’agenda de l’intégration économique et politique du continent doit doter l’Afrique d’une véritable stratégie de coopération avec le reste du monde. Autrement, chaque pays pris individuellement ne serait en mesure de faire face aux exigences de la coopération internationale, et l’Afrique resterait cette proie facile inscrite au tableau de chasse des grandes puissances et des multinationales.