Pour renforcer la maitrise des investissements sur ressources extérieures, le gouvernement a intégré des innovations dans la Loi financière 2015.
Aide extérieure et financement du développement en RDC
En République Démocratique du Congo (RDC) comme dans bien des pays en développement, la question de l’efficacité de l’aide extérieure se pose. Il importe de s’interroger sur la hauteur des appuis reçus de l’extérieur, de leur affectation et de la manière dont ils ont pu répondre aux préoccupations du pays. Aussi, il se pose un problème de transparence car les circuits par lesquels passent l’aide ne sont pas bien appréhendés par les autorités nationales. Pour renforcer la maîtrise des investissements sur ressources extérieures, le Gouvernement a intégré des innovations dans la Loi financière de 2015. Désormais, le budget de l’Etat devrait comporter des détails sur l’identification du bailleur, le montant total du projet et la tranche annuelle prévue pour l’exercice en cours.
Reprise de la coopération et accroissement de l’aide
Après qu’elle ait été interrompue dans les années 1990 à la suite de la mauvaise gouvernance du pays et de la cessation de paiement du service de la dette extérieure, la coopération structurelle a repris en RDC au début de la décennie 2000. Certaines organisations internationales qui avaient fermé leurs bureaux de Kinshasa, sont revenues au pays et ont drainé dans le système financier national des centaines de millions de dollars dans le cadre de différents projets exécutés dans le pays ainsi que des différentes formes d’assistance lui accordée. Cette reprise de la coopération était due à la mise en œuvre, par le Gouvernement, d’un ensemble de mesures et de réformes visant à assainir le cadre macroéconomique, améliorer la gouvernance et créer les bases d’une croissance économique solide. En 2001-2002, un troc des arriérés de la dette multilatérale a été opéré contre une nouvelle dette à 0.5 % due aux institutions financières internationales. Aussi, un mécanisme d’apurement a été conclu avec la Banque Africaine de Développement (BAD). En septembre 2002, la RDC a restructuré sa dette évaluée à 10.3 milliards USD vis-à-vis de 14 pays créanciers réunis dans le Club de Paris. Ceci a débouché sur une annulation de 4.6 milliards USD de dette et sur un rééchelonnement de 4.3 milliards. L’amélioration des fondamentaux de l’économie et l’allègement ainsi envisagée ont permis l’admission du pays à l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (I-PPTE) en 2003 et de réduire, à la même année, le service de sa dette de 36 millions USD. Les bailleurs de fonds qui ont financé cette opération ont comptabilisé ces montants dans la rubrique aide publique au développement.
Lorsque l’on se rapporte à la hauteur des montants reçus par la RDC au titre de l’aide extérieure durant ces 10 dernières années, il y a lieu de se dire qu’elle a réalisé des grands progrès. Les avis sont partagés à ce sujet. D’aucuns estiment que l’aide a eu un impact réel et positif alors que d’autres pensent qu’il n’en est rien. Comme l’indique le tableau ci-dessus, avec la reprise de la coopération structurelle, la RDC a pu bénéficier des apports extérieurs considérables. À en croire la Banque mondiale, en plus des Investissements directs étrangers (IDE), la RDC a reçu l’équivalent de 4.4 % du PIB en dons et prêts destinés à financer des projets de développement. En 2014, les décaissements à fin décembre se sont situés à 543.9 milliards de CDF. A la même année, le budget a connu une exécution des investissements de 31.3 %, dont un décaissement de 13.5 % des ressources extérieures.
En 2015, l’on projette des recettes extérieures de l’ordre de 1582 milliards de CDF, soit 21 % du budget. Le tiers de cet argent est canalisé vers trois interventions. Il y a un financement d’Exim Bank of Chine d’environ 200 milliards de CDF pour l’appui aux opérations électorales en 2015. Mais Exim Bank of Chine apportera globalement un financement de l’ordre de 400 milliards de CDF. Au-delà, il y a les 100 milliards de CDF destinés aux infrastructures. Ensemble, ces deux projets représentent déjà le cinquième du financement extérieur global attendu en 2015, soit 300 milliards de CDF.
Composition de l’aide
La reprise de la coopération a permis à la RDC d’attirer d’importants capitaux de l’extérieur au titre des IDE, des appuis à la balance de paiements, des appuis budgétaires et des appuis – projets. Entre 2002 et 2008, presque toutes les nouvelles infrastructures ont été financées par les partenaires au développement. Avant les élections de 2006, les bailleurs de fond les plus importants étaient les États-Unis d’Amérique et la France. Mais après 2006, il y a eu la montée du Royaume-Uni et des agences multilatérales, comme la Banque mondiale et la BAD. Au fil des années, l’aide internationale a cessé de se focaliser sur le secteur humanitaire pour prendre une part active dans les services sociaux, notamment l’éducation et la santé. Avec la crise financière de 2008/2009, des
Certains partenaires bilatéraux comme la Belgique et la Corée du Sud étendent progressivement leurs activités vers le secteur productif. La situation de l’aide internationale a continué à évoluer avec le partenariat entre la RDC et les compagnies chinoises soutenues par Exim Bank of Chine (Export Import Bank of China).
Toutefois, il se pose la question de savoir comment les fonds reçus ont été orientés et utilisés. Pour un meilleur suivi de la gestion de l’aide, il faudrait plus de transparence dans l’approbation et l’exécution des projets. Il ne suffit pas d’enregistrer les appuis dans le budget des recettes extérieures disponibles, il faut savoir à quoi les fonds vont servir et comment ils vont être utilisés.
Nécessité d’un meilleur suivi de la gestion de l’aide
De 2003 à 2006, le Gouvernement congolais a engagé des discussions avec ses partenaires au développement pour mettre fin à son incapacité à suivre la trace des dons octroyés à la RDC par le biais de l’aide internationale. Cette situation a concerné jusqu’à 40 % des dons reçus. Une cartographie datant de 2009 a confirmé la fragmentation et la concentration de l’aide dans certains secteurs et zones géographiques. Le Bandundu et l’Équateur n’ont pas reçu d’assistance des bailleurs de fonds alors que les deux provinces ont
L’idée de créer une Plate-forme de gestion de l’aide et des investissements (PGAI) a germé après le dégel de la coopération. L’effacement de 80 % de la dette extérieure congolaise en 2010 dans le cadre de l’I-PPTE a offert une opportunité d’amorcer un nouveau départ. En effet, le pays a pu dégager des espaces budgétaires pour appuyer les secteurs sociaux. Dans le cadre de la planification de l’aide, il a fallu mettre en œuvre des politiques sectorielles.
L’objectif a été de mieux contrôler les financements extérieurs, surtout avec la montée en puissance des nouveaux acteurs sur le marché de l’aide, notamment les fonds spécifiques, les fondations philanthropiques et les ONG. L’argent circule dans un environnement confus où le rôle d’agence d’exécution se confond parfois avec celui de bailleur de fond. Pour faire face aux nouveaux enjeux, la PGAI a mis en place des modules de suivi de cette aide.
Efficacité de l’aide extérieure
A la suite de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide [qui vise à améliorer l’impact de l’aide au développement par la promotion de partenariats plus responsables et efficaces entre les donateurs et les pays bénéficiaires], deux enquêtes d’évaluation de l’efficacité de l’aide ont été organisées. La première enquête a eu lieu en 2006 et s’est fondé sur les statistiques de l’année 2005 (informations fournies par le gouvernement de la RDC et 14 de ses donateurs). La deuxième enquête a été organisée en 2008 et a eu pour support, les statistiques de l’année budgétaire 2007.
Il ressort des deux enquêtes les observations ci-après. La validation du DSCRP en 2006 par le FMI et la Banque mondiale montre qu’il existe aujourd’hui, une vision commune en matière de développement. Les politiques de certains donateurs s’alignent depuis lors sur le DSCRP et sur quelques stratégies sectorielles. Mais jusque-là, ce qui semble déranger, c’est la traduction de la stratégie nationale de développement en actions concrètes. A ce sujet, la RDC a obtenu – en 2007 tout comme en 2005 – la note D sur une échelle allant de A à E.
Seulement 20 % de l’aide au secteur public est comptabilisé dans le système de gestion des finances publiques. En moyenne par donateur, seulement 5 % de l’aide programmé est correctement enregistrée. Rien que 1 % de l’aide au secteur public passe par les procédures nationales de passation des marchés. Il émarge également des deux enquêtes que l’aide accordée à la RDC ne tient pas souvent compte de l’incidence de la pauvreté dans sa répartition géographique. En effet, comme l’indique le tableau ci-dessous, deux tiers de l’aide aux provinces se concentrent sur la Ville de Kinshasa. Les enquêtes font état d’un nombre élevé de partenaires par secteur d’intervention avec un coût de transaction élevé et des difficultés pour le pays, de respecter les conditionnalités fixées par les institutions financières internationales dans un contexte d’Etat fragile. Bien des bailleurs de fonds continuent à orienter leur assistance vers un type de coopération indirecte (les ONG), et cela malgré la reprise de la coopération structurelle. Les interventions des bailleurs ne se font pas souvent de manière coordonnée. Nombreux sont ceux qui interviennent en se fondant sur un cahier de charges bien précis et sans tenir compte de ce que font les autres. C’est la raison pour laquelle il faudrait des missions conjointes des donateurs.
Prioritairement, la RDC devrait disposer d’un cadre des dépenses à moyen terme (CDMT) sectoriels et d’un cadre commun pour la programmation et la budgétisation. Il faudrait aussi établir des mécanismes formels pour rationnaliser les choix en matière d’intervention et intensifier les missions et analyses conjointes des bailleurs. Grâce aux des CDMT, le budget de l’Etat deviendra bel et bien un budget – programme. Aussi, il s’avère nécessaire d’accroître l’alignement opérationnel des flux d’aide sur les priorités nationales et de réduire le nombre d’unités parallèles intervenant dans la mise en œuvre des projets de développement appuyés par les partenaires.
Pour les bailleurs, l’aide est octroyée à la RDC dans le cadre de la coopération. Certes le pays a besoin d’une assistance vigoureuse pour développer son économie, mais son budget d’investissement ne doit pas dépendre totalement des bailleurs de fond. C’est en tout cas l’avis de l’Union Européenne. Depuis 2006, cette institution a apporté 1.2 milliards USD d’assistance à la RDC. À l’échelle de l’Europe, les États membres ont attribué globalement 6 milliards USD durant la même période, soit 44 % de l’aide publique internationale en faveur de la RDC. Pour sa part, la Banque mondiale déplore la prolifération des projets et programmes nationaux de développement qui est source d’inefficacité de l’aide.
Malgré l’aide extérieure, la RDC doit impérativement développer sa capacité à mobiliser davantage de ressources à l’interne. Sur ce point précis, la Banque mondiale exhorte les autorités à améliorer la gouvernance du secteur des ressources naturelles. Elle estime que les programmes des bailleurs ne visent qu’à aider la RDC à mieux mobiliser les recettes internes pour assurer une soutenabilité macroéconomique et un meilleur financement du développement.
Relancer la machine
émergents dont la Chine et le Botswana, le seul pays africain cité, la Banque mondiale est arrivée à un constat. Ces pays ont la particularité d’avoir aligné des taux de croissance de 7 % en moyenne sur deux décennies. Pour elle, la durée constitue un paramètre important dans la voie de l’émergence économique. La consolidation du budget reste une priorité. Toutefois, la RDC doit améliorer l’exécution des dépenses sociales et des infrastructures pour faire face aux défis de développement.
L’aide extérieure doit être considérée comme un financement transitoire. D’ailleurs, certaines économies intermédiaires comme la République du Congo se passent désormais des dons de la Banque mondiale pour garder l’expertise technique dans la mise en œuvre des projets de développement. L’objectif à poursuivre est la réduction de la dépendance à l’aide internationale. Ainsi, il serait difficile, sans un espace budgétaire conséquent, d’atteindre l’émergence.
Avec son budget qui demeure relativement faible par rapport aux besoins à assouvir et ses réserves de change qui ne couvrent même pas 10 semaines d’import, la RDC devrait renégocier un nouveau programme avec le FMI. Dans ce cadre, elle devra solliciter des appuis budgétaires pour financer les dépenses sociales et intensifier les investissements publics. Même dans ce cas de figure, la démarche ne peut pas viser le long terme. À cette étape, la seule alternative pour le pays est l’amélioration de la mobilisation des recettes internes. Pour y arriver, il faut impérativement faire bouger les réformes dans les secteurs des mines et des ressources naturelles, s’alarme la Banque mondiale.
En définitive, les programmes avec les bailleurs de fonds ne peuvent avoir un impact dans la durée que s’ils soutiennent véritablement les mesures favorisant une meilleure mobilisation des recettes intérieures. Le pays dispose de tout le potentiel pour y arriver, au lieu de continuer à lorgner l’aide externe. Le rôle des bailleurs de fonds ne devrait se limiter qu’au niveau des programmes et de la formation des structures nationales capables, à leur tour, de les mener sur le long terme.